Que c'était bon, de rentrer chez soi. Il est vrai que ce dicton est bien connu, et Lena l'approuvait totalement en cet instant. Son léger sourire satisfait d'une journée chargée, elle se dirigeait avec entrain jusqu'à l'immense portail en fer forgé, ouverture sur un autre monde, portail, non, frontière derrière laquelle les tulipes et autres magnifiques fleurs se succédaient dans des par-terre de fleurs impressionnants de leur beauté. Même si Lena y était relativement insensible. Les fleurs, ce n'était réellement pas ce qui l'enchantait le plus. Non pas que Lena était totalement masculine non plus, mais des choses aussi superficielles et fragiles que celles-ci n'arrivaient pas à captiver son attention ; ou du moins, seulement de manière éphémère, à l'image de leur espérance de vie tout comme de leur éclat. Ce n'étaient pas spécialement différent des belles robes ; elle aimait se sentir belle, ce n'était pas le problème. Elle aimait se sentir belle, se sentir bien dans son corps de femme, mais en contre-partie, elle devait se sentir étouffer dans des corsets aux lacets trop présents pour son intégrité physique, se sentir aussi limitée dans ses mouvements et dans la plus totale incapacité de se battre en cas de problème. Et Lena, c'était bien connu, était passée maîtresse en l'art de s'attirer ou même de se créer des problèmes – parfois même sans que l'individu ciblé ne fusse lui-même au courant. Alors elle avait pris pour habitude de clamer qu'elle n'aimait pas les robes et autres tenues de femmes distinguées, afin de simplifier sa pensée propre même. Et puis, ainsi, personne ne chipoterait réellement sur ses tenues parfois trop masculines pour ses courbes naturellement prononcées.

Lena avançait calmement, toute souriante rappelons-le, entre les par-terres de fleurs. A ceux-ci, elle ne prêtait pas la moindre attention, continuant de passer en revue mentalement ses activités de la journée passée et de planifier celle qui lui succéderait. Elle aurait longtemps pu continuer sur cette voie si, sur le chemin, elle n'avait pas croisé un étrange phénomène. Son regard dérapa sur une cloche de verre, celle-là même que l'on regardait enfant dans le Disney de la Belle et le Bête, sans se rendre compte dans un premier temps de l'étrangeté de ce fait. Il lui fallut en croiser une deuxième, une troisième, une quatrième enfin pour ralentir le pas et suivre de son regard écarlate le chemin qu'elles semblaient tracer. Puis, dans un second temps, elle s'intéressa enfin à ce que ces cloches semblaient protéger avec tant d'attention : des cactus. Il va sans dire, cela l'interpella. Nul besoin de développer les raisons de l'interrogation clairement visible dans ses yeux grands ouverts, celles-ci me semblant relativement évidentes. Alors elle releva un peu le nez et traça une seconde fois du regard ce morceau de chemin qu'elles semblaient tracer, comme le petit poucet laissant ses cailloux derrière lui. Alors, sans hésitation et emplie d'une curiosité toute justifiée, elle s'avança parmi les par-terres qui, elle finit par le remarquer enfin, étaient en partie devenus des populations de cactus. Sa belle-mère devait s'être retournée dans sa tombe moult fois ce jour-ci. Lena eut un petit sourire amusé à cette pensée – quoi qu'il fut inconvenant de penser du mal d'un mort.

Au bout du chemin, c'était un arc-en-ciel qui attendait pleine d'une innocence palpable. Ce morceau de ciel semblait se désintéresser du monde, peut-être juste dans sa petite bulle, s'appliquant à protéger un autre cactus avec une délicatesse presque touchante. La jeune femme papillonna des yeux quelques instants devant cet espèce d'ovni tant elle venait éveiller la maman, qui ne sommeillait pourtant pas du tout, en elle. Alors, c'est avec lenteur et beaucoup de précaution, qu'elle s'avança, silencieusement, jusqu'à s'accroupir près de la jeune fille. Elle ne prêta pas du tout attention à elle, continuant sa tâche, concentrée, non, absorbée. Un petit sourire attendri vint se nicher sur son visage, alors qu'elle hésitait encore à prendre la parole – elle semblait si passionnée par son labeur ! Puis, alors qu'elle continuait de l'observer sans que celle-ci ne la remarque, une interrogation des plus évidentes – d'un niveau égal à « que font des cloches de verre dans mon jardin ?? » – vint à l'esprit de la jeune noble. Mais... Qui était donc cette personne ? Que faisait-elle chez elle ? Enfin, dans l'absolu, il était plutôt flagrant qu'elle s'affairait à protéger des cactus contre une pluie qui s'approchait dangereusement, ce qui se voyait aux nuages pointant à l'horizon. Mais, plus généralement... Pourquoi avait-elle la possibilité de le faire ? Qui l'avait laissé entrer, et pourquoi ? Alors, après avoir baissé momentanément le regard, elle oublia qu'elle était jusqu'alors parfaitement silencieuse et que la bleue ne l'avait pas remarqué.

– « Hm... Excuse moi ? »

Sa réaction fut immédiate ; elle sursauta violemment, avant de se relever – ou de ramper, selon le point de vue – et d'aller se cacher derrière la première chose qu'elle vit, c'est à dire un arbre. Lena écarquilla un peu les yeux – elle ne s'attendait pas à une réaction aussi violente ! – avant de se relever à son tour.

– « Ooooh ! Calme, je... Je suis la propriétaire du manoir, ce qui n'était pas tout à fait vrai, je ne te ferais rien. Que... Que fais-tu ici ? »

Allez droit au but avait toujours été dans ses habitudes, et elle n'y dérogerait certainement pas aujourd'hui.