Ennuyeux… Tous ce qu'il y avait dans cette ville étaient décidément bien ennuyeux. A moins bien entendu que cela soit tout simplement Elsa qui était de mauvaise humeur et donc n'appréciait rien. En même temps, comment être de bonne humeur lorsqu'on a supporté tant d'heure dans un train inconfortable ? Enfin, en tant que noble, mademoiselle Lorenzino voyageait tout de même en première classe, mais le problème venait seulement du fait de rester assise pendant des heures à regarder défiler le paysage. D'accord, elle vivait sur une très belle île, mais tout de même, elle n'avait pas besoin de l'admirer sous toutes les coutures non plus. De plus, elle y avait grandi donc la connaissait assez bien pour ne pas avoir besoin de faire du tourisme. Mais alors, pourquoi prendre le train dans ce cas ? Tout simplement parce que malgré son statut de jeune femme noble, Elsa était aussi une femme d'affaire et son père étant un peu vieux pour gérer toutes les affaires de la famille seul, il faisait donc régulièrement appel à elle. Surtout quand il fallait se déplacer, puisque c'était une activité de jeune comme il le disait et que lui-même avec sa canne n'irait pas bien loin. Sans discuter ce fait incontestable à ses yeux, Elsa avait donc pris son mal en patience pour voyager jusqu'à Nordia qui se trouvait, on vous le donne en mille, au nord de l'île.

Ce qui pouvait bien l'amener dans cette ville ? Ce n'était pas la capitale après tout, mais il fallait bien avouer que le commerce y était fleurissant tout de même. Et puis, pour le coup, la noble était conviée à une soirée organisée par une personne riche et influente de l'île. Autant dire qu'elle ne pouvait pas se permettre de ne pas s'y rendre en tant qu'héritière de la famille Lorenzino. Mais bien entendu, la décence avait voulu qu'elle arrive à l'avance dans la ville, histoire de ne pas descendre du train et de se rendre directement à la soirée… Imaginait donc le scandale si elle ne se donnait pas la peine de se changer entre temps, une véritable infamie. Enfin, elle-même s'en fichait un peu bien entendu, mais les femmes de la noblesse n'étaient pas toujours si occupé qu'elle et s'occuper donc souvent avec des futilités de ce genre. Mais du moment qu'on lui fichait la paix, Elsa voulait bien se plier à ce genre de règle ridicule. Vêtue d'une robe somptueuse et coiffé impeccablement, Elsa s'était donc rendu à cette fameuse soirée dans le but assumé de prendre contact avec certaines des personnes les plus riches de l'île afin de faire fructifier son affaire. Mais en même temps, il fallait bien se l'avouer, tout le monde n'avait pas besoin d'arme… Pardon ? A l'époque à laquelle nous vivions et avec toutes ces mafia sur l'île ? Bien entendu que tout le monde avait besoin d'une arme, mais pas à échelle industrielle plutôt.

Enfin, avoir quelques clients fortunés qui feraient des commandes spécifiques, ce n'était pas mauvais à prendre non plus. Mais pour le moment, il fallait bien avouer que la blonde s'ennuyait ferme. Pourquoi donc ? Pour connaitre la réponse, il suffisait de regarder autour d'elle. Des gens bedonnants, imbus d'eux-mêmes, se ventant plus qu'ils n'agissaient en réalité. Ce genre de personne l'ennuyait ferme, pour la simple et bonne raison qu'elle en fréquentait bien trop à longueur d'année pour pouvoir encore les trouver drôle. Ah, si seulement son vieil ami Raffaelo Valentini n'avait pas été… Comment dire… Déshérité et viré de sa famille ? Au moins avec lui, elle aurait bien vite trouvé une occupation des plus distrayantes pour égayer la soirée, mais à la place, elle se retrouvait toute seule au milieu de ces gens dont elle n'avait strictement rien à faire. Mais au moins, elle savait donner l'impression qu'elle s'amusait et été bien présente… Non ? En tout cas, debout au milieu d'un groupe de personne, elle se trouva bien en peine de se rappeler du nom de la personne qu'on venait de lui présenter lorsque celle-ci lui adressa la parole… Vitaly ? Alberty ? Moriarty ?... Non sérieusement, elle n'en avait aucune idée et se contenta donc de hocher poliment la tête en guise de réponse avant de trouver une excuse pour prendre congé et se débarrasser du groupe. Si si, quelqu'un l'appelait… Là-bas.. Dans le fond… Très loin d'eux en tout cas.

Levant d'une main fine le pan de sa robe pour avancer de sa démarche de reine – car oui elle s'y croyait tout de même un peu dans la vie – la jeune femme partit dans une direction totalement aléatoire sans trop regarder devant elle et fini bien entendu par marcher sur le pied du premier venu qui passait par là… Bien Elsa, comme si c'était le moment de faire des gaffes. Soyons honnête, la jeune femme n'avait strictement rien à faire de la personne qu'elle venait d'importuner ainsi, mais les règles en bonnes société était-elle qu'elle ne pouvait pas l'assumer ouvertement. Ainsi donc, elle fit ce qu'elle savait faire de mieux, à savoir jouer la comédie pour prendre un air désolé et s'excuser.

" Oh, pardonnez monsieur, je ne voulais pas vraiment… Je ne vous ai pas fait mal au moins ? "

Que l'homme ne sente rien ou que son pied mérite une amputation, la demoiselle ne s'en inquiétait pas et s'apprêtait déjà à partir d'ailleurs… Oui, la politesse, ce n'était vraiment pas son fort, mais ce n'était tout de même pas sa faute si elle ne s'accordait pas aux êtres humains saints d'esprit, si ?

[HRP / Désolé du retard ! N'hésite pas à mp si un truc cloche ;;]

Fascinant ... Tout ce qui se passait dans cette ville était vraiment fascinant. À moins bien sûr que la fascination de Talionis ne soit dû à des goûts bien particuliers et que le belliciste ressentait couler en ses veines l'excitation là où des âmes plus fragiles se noyaient, inondées d'effroi. Après tout, Il Diavolo n'était dans la ville que depuis peu de jours et déjà son instinct d'assassini lui criait que les ombres étaient puissantes, même durant le jour ... surtout en plein jour, en fait. Enfin, un non-avertit ne pouvait pas remarquer un tel intérêt de la part d'un homme qui restait accoudé à la terrasse d'un café, une expression morne figée au visage, assis pendant des heures à regarder défiler ce qui paraissait être le même paysage. Mais Venere était fin observateur, aucun détail ne lui échappant, chaque seconde diversifiait ses déductions.

Quelle ironie, tout de même, qu'à notre époque cette île si magnifique puisse abriter tant de malhonnêteté. Très belle île, en effet, pour ce qui était de la corruption, dont il fallait explorer chaque recoin pour s'apercevoir de sa quasi-omniprésence.

Mais alors, que faisait ici cet inconnu dépressif ? Après tant d'années d'absence, les personnes qui connaissaient sa fonction se comptaient sur les doigts d'une main ... les personnes vivantes, cela s'entend. En mission de la plus haute confidentialité pour Mondo Arcana, Talionis se voyait confier les directives les plus dangereuses, suicidaires même, où la sécurité de l'employé passait outre l'urgence de la situation. À son grand regret, bien qu'il en comprenait la raison, il lui fut interdit d’exécuter sa cible, du moins dans l'immédiat. Il devait tout d'abord s'introduire, se préparer à démanteler le réseau, élargir son champ d'action partout où la vermine s'était infesté, avant de mettre enfin un terme définitif aux agissements de l'homme. L'homme qui dirigeait tel un marionnettiste cette cité, toujours dissimulé dans l'obscurité. Ainsi Talionis se trouvait-il désormais à Nordia, joyau îlien du nord.

Je n'ai pas mis longtemps avant de mettre en place un réseau d'information, réduit à quelques hommes mais diablement efficace. Ce soir, Agatha a organisé une petite fête à laquelle sont conviés quelques nobles triés sur le volet afin de faire connaissance dans une débauche d'opulence. Certains venaient même de l'étranger, aussi la maîtresse de maison ne se doutait pas de leur visage. J'avais fait intercepter une invitation très précise et j'avais ainsi pu m'introduire à ces festivités sans me faire remarquer. Après tout, j'avais une invitation officielle mais je ne correspondais pas à la description faite auprès de Madame. Les gorilles m'ont laissé entrer, et leur patronne ne m'adresserait pas la parole, par modeste ignorance. Surtout que mon alter-ego, cloué au lit par une sale infection, était supposé être un collectionneur amateur d'art. Donc moins je me ferai remarquer, mieux ma couverture sera.

Tel un loup sauvage au milieu d'agneaux civilisés, Talionis se promenait tranquillement, ses sens en éveil, captant l'information où qu'elle puisse être, détaillant avec une mémoire pertinente les fiches virtuelles qu'il tenait sur quiconque pourrait un jour se trouver sur sa liste de contrats prioritaires. Le destin l'avait fait croiser le chemin, littéralement, d'une personne dont elle connaissait déjà l'existence, pour avoir fait anonymement commerce avec son paternel. La jeune femme, à l'apparence somptueuse comme tous les comédiens présents dans cette salle, s'enfermant dans une illusion luxueuse de fortune oisive ... à part lui-même ... et peut-être quelqu'un d'autre, qui sait ?

Sans me soucier de son excuse conventionnée et d'une amabilité pathétique, je continuais mon chemin, sans m'arrêter ni lui avoir jeté tout le long de cette brève altercation le moindre regard de considération, lui coupant ainsi le passage pour me diriger avec empressement vers le balcon, lieu de ma délivrance. Sans attendre, j'allumai enfin ma première cigarette de la soirée, et un pressentiment m'envahit : bon sang, j'allais en avoir besoin de plusieurs pour survivre à ces pitoyables mondanités !