Aux heures les plus sombres, les monstres rôdent. [PV Mondo Arcana]

Depuis toujours, j'ai toujours préféré la nuit. Qui a décrété que nous devions vivre la journée ? Qui s'est permis de préférer la chaleur et la lumière, préjugeant que le froid et l'obscurité n'apportaient pas leurs lots de bienfaits ? La société s'est développée dans la gloire du soleil, certaines civilisations l'ayant même idolâtré. Si les gens s'intéressaient aux découvertes scientifiques, s'ils voyageaient de par le monde pour rencontrer les savants de leur époque, ils sauraient désormais que nous comprenions de nos jours de quoi était fait cette boule géante de gaz. Comme l'avaient compris nos ancêtres, s'approcher de cette étoile, c'est s'approcher de la mort. Mais ceux qui ne se complaisent pas dans l'ignorance cherche la vérité dans les étoiles, dans l'infini et les particules. Et ainsi, la glorification de la lumière continue. Mais je n'ai rencontré encore personne qui a déjà orienté son regard vers ce qui compose la grande majorité de notre univers : le vide. L'obscur néant et la froideur de l'espace. Pas si éloigné de la réalité, puisqu’après tout notre existence en ce monde en tant que vivant est plutôt restreint. Soit nous ne sommes pas, soit nous ne sommes plus, et alors la réalité reprend son devoir de maintenir l'équilibre vital. Une fois en terre, notre corps se décompose lentement, très lentement. Et jusqu'à la poussière nous continuons d'appartenir physiquement à cet univers. En bref, la mort, son étreinte glaciale et le vide qui envahit notre esprit post-mortem, finit par avoir son importance que trop ont fini par négliger.

Mais pas moi, plus maintenant. Je sais ce qui nous attend de l'autre côté de la barrière. Je ne l'attends ni ne le crains. Je survivrais en ce monde tant que le Mal existera. J'ai appris que je ne fus pas le premier, je ne serais certainement pas le dernier. Mais je suis bien plus doué que mes prédécesseurs. Car dans ma violence ne subsiste aucune pensée égoïste, aucun accomplissement personnel. Simplement un objectif commun. Une justice élémentaire et ancestrale, que tous redoutent mais comprennent malgré leur soi-disant sens commun. Toutefois, on peut dire que le pacte s'est réalisé à une époque plutôt avantageuse pour moi. Si vous voyiez comment les Hommes ont fini par trouver pour s’entre-tuer ! C'est fascinant et terrifiant. Et Il Diavolo me soupire que cela ne fait que commencer ...

À la faveur de la nuit, Talionis marchait tranquillement dans l'une des forêts épaisses de l'île, sur un terrain mousseux et humide. Son regard habitué à l'obscurité, il prenait un soin précis et infaillible à ne laisser aucune trace de son passage, silencieux comme un loup s'approchait de sa proie sans émettre le moindre grognement, si bien que les autres créatures diurnes restaient endormies même s'il frôlait leurs territoires. Il s'était décidé à partir le temps d'une ballade nocturne car l'île toute entière avait été plongée dans une pluie féroce toute la journée, et le soir venu, les nuages dissimulaient encore l'éclat de la Lune. Après avoir envoyé un 'message' à son rendez-vous de minuit, par des moyens dont nous tairons pour cette fois les subtilités, l'Arcanien était parti en quête de son repaire personnel, un endroit dont nul ne connaissait l'existence, même le chef de la famille lui-même. Mais cette nuit, Talionis avait décidé de changer la donne. Car être convoqué par Mondo Arcana pour rentrer de mission n'était pas commun. Par habitude, Talionis ne rentrait qu'une fois l'objectif accompli, sans prévenir qui que ce soit. Mais cette fois-ci, l'urgence s'était faite ressentir.

Arrivé au bord d'une falaise escarpée, observant plus bas la mer tranquille recouvrir et découvrir périodiquement des rochers, Venere fut rassuré de remarquer un détail que nul ne pouvait distinguer s'il en ignorait la nature. Quoiqu'il en soit, il prit la peine de s'écarter du bord friable, car une chute de cette hauteur avait toujours été fatale. Il avait pu en être le témoin. Plusieurs fois.

En attendant son patriarche, afin de signaler sa position à ce pauvre Mondo qui s'était peut-être égaré, Talionis sortit une maigre cigarette qu'il alluma avec des gestes coutumiers. La première bouffée annonçait une attente longue et dans le froid. Mais les tueurs à gages apprenaient à être patients.

L'heure était grave, les heures passaient sans s'attarder un peu comme un sinistre défilé dont seul l'esprit est témoin. Mondo avait passé sa journée à rédiger des missives qu'il enverrait avec une prescription pour chacune de demeurer sur ses gardes. Une ville était tombée depuis peu sous une direction dont Mondo ignorait tout du début jusqu'à la fin. Il avait l'impression que certaines choses lui échappaient, or il ne pouvait pas se le permettre.

L'heure était venue d'envoyer une autre force dans ce conflit qui saurait peut-être lui apporter d'autres soutiens dans ce conflit. Il ne parvenait plus à visualiser le contexte dans sa globalité, il fallait qu'il arrive à brider l'autorité de Tradimento pour mieux comprendre ce qui agitait l'Italie toute entière. Il n'était bien sûr pas ignorant de ce qui leur parvenait, mais ce qui l'empêchait d'agir était cet acharnement qu'avait son adversaire à vouloir le faire chuter. Voilà son véritable frein. Il se mit à rédiger un ordre de mission en trempant sa plume. L'encre se répandit sur une feuille déjà repliée, déjà utilisée... Détail qui pouvait sembler insignifiant, mais s'il faisait une rencontre, il montrerait le mauvais côté de la feuille qui était un poème d'un poète qu'il appréciait beaucoup. Beaucoup de ses vers étaient des codes pour transmettre des messages secrets dont seule la signification était connue par l'intéressé.

En soit c'était un indice sur leur communication , mais qui pouvait deviner ? Il fallait connaître tout comme Mondo l'intégrité de l'oeuvre de ce poète, un poète dont la notoriété était si faible qu'il a disparu dans sa mort sans que soit chamboulé des populations entières. C'était donc un bon moyen de dissimuler. Il regarda l'horloge de sa chambre, puis se leva pour se saisir de son manteau. Il commanda un transport, fit semblant qu'il allait l'emprunte mais il comptait se rendre à pied à sa destination. Une fois que le leurre se soit éloigné, il se vêtit d'une tenue propre aux bûcherons avec une capuche en tissu. On aurait vraiment cru qu'il s'agissait d'un vieux bûcheron de l'ancien école sous une cape en bure toute éliminée. Que faisait-il de ce vêtement dans sa garde-robe. Hé bien c'était son vêtement, quand la crise sonnait à leur porte, ce qui était malheureusement toujours le cas aujourd'hui...

La forêt s'annonçait face à lui et avec elle la tiédeur fraîche du soir. L'automne avait passé sa griffe sur l'ensemble des arbres qui n'avaient pas perdu de leur habit. Cela tombait bien car cela lui donnait un chemin sombre, à l'abri des regards pour rejoindre cette falaise, où l'attendait Talionis. Ah, il n'était pas si loin ce moment où il l'avait rencontré dans sa prison. Il était le fils d'une famille détruite et même s'il n'avait pu agir rapidement; il avait au moins sauvé leur fils. C'était agaçant, mais on était souvent amené à faire des choix plus ou moins équitables qui finissaient toujours par vous retomber dessus. Enfin, le temps avait fait son oeuvre et avait offert progressivement une autre vie à cet homme. Il n'avait plus le même regard et Mondo savait qu'il pouvait avoir foi en lui sans problème. Aussi la mission qu'il voudrait lui confier était à la hauteur de cette confiance. Comme il n'était pas connu de la famille Momento, son action pouvait avoir de l'impact et avoir aussi une bonne discrétion. C'était un bon atout en somme.

Les arbres se firent plus éparses en laissant davantage de lumière passer entre les branches. Il sut alors qu'il approchait de son objectif et baissa sa capuche. En effet, son interlocuteur se trouvait juste ici à fumer une cigarette lentement. Elle était à moitié consommée. Mondo se dit qu'il n'était pas trop en retard. Il commença leur entrevue par une simple salutation.

"Talionis, j'espère que tu ne m'attends pas depuis longtemps. Restons nous ici ? "

Sa véritable question se trouvait entre ces lignes. Il se demandait s'il n'avait pas été suivi et donc s'il pouvait rester sur cette falaise sans risque. Par la suite, il enchainerait sur les raisons de cette entrevue si tardive.

Je sens la fumée nocive s'infiltrer dans mon corps, mes poumons, le goudron titillant les alvéoles, comme un épice exotique qui brûle ton palet mais te séduit, comme une beauté sauvage qui ne se laisse jamais apprivoiser et qui t'arrache le cœur à l'aube. Mais de cela, je n'avais pas à me soucier. Car le danger n'existe que si l'on possède un cœur de chair, si l'on possède un palet qui recherche satisfaction, si l'on possède des poumons qui respirent depuis longtemps. Il se trouvait toutefois que je sois amené à régénérer mes poumons perforés par les balles de mes cibles, que mon palet se soit contenté du strict nécessaire et du fade de l'essentiel, que mon cœur ... ne soit pas fait que de chair, mais aussi de pierre.

Depuis quelques minutes déjà il avait notifié sa présence. Un hibou avait battu des ailes et s'était remis en quête de nourriture. Le bruissement du feuillage dense et forestier s'était étouffé en des mouvements lents, discrets mais gardant une certaine fierté. Lorsqu'enfin Mondo le vit, si silencieux et immobile qu'on aurait cru qu'il faisait partie intégrante de la nature nocturne, la maigre cigarette devenant ainsi plus vivante que son utilisateur, Talionis le fixait comme il avait l'habitude en toute chose. Sans le dévisager, d'un regard neutre, l'Arcanien resta assis et continua à fumer, ignorant presque sa présence. Lorsque le Paternel souleva sa capuche, son rejeton du Diable dissimula sa surprise.

Mondo me paraissait épuisé. Aux portes de son sépulcre, observant la fin de son oeuvre et ce qu'il léguait à sa Famiglia. Son entourage proche, cigales ignorantes vivant sa présence rassurante au quotidien, ne l'avait peut-être pas remarqué, mais moi qui comptait la durée de ses absences en mois, en années, je ressentais toute la fatigue et le stress qui noyait Papà.

"Talionis, j'espère que tu ne m'attends pas depuis longtemps. Restons nous ici ? "

Le ton de sa voix ne fit que confirmer les doutes qui me tenaient depuis que j'avais été rappelé depuis le Nouveau Monde. Il était inhabituel que je sois convié à revenir sans avoir achevé ma mission. D'autant que celle-ci m'avait valu plusieurs tours du monde à suivre des indices ancestraux. Le hasard avait voulu que l'un de mes objectifs ne croise ma route sur le chemin du retour.

Par pur respect des coutumes sociales, Talionis se leva et émit un sourire factice à l'allusion de Mondo. L'homme savait manier les mots et la sagesse, il savait manier la violence et les armes. Il était naturel qu'il se mit au service d'un tel Juste. Après tout, il était seul rescapé connu à ce jour des meurtres de l'ange assassin. Voulant lui retourner la pareille, Il Diavolo répondit de sa voix sombre et suave :

Un maître ne se promène-t-il pas où qu'il le désire sur ses terres ?

Évidemment qu'une phrase si générale et anodine reflétait tout ce qui avait besoin d'être dit. Tout d'abord en évoquant le fait que Talionis se doutait du problème qui torturait Mondo, associant nombre d'indices qui lui criaient cette vérité, tout en l'assurant qu'en sa compagnie, Mondo conservait l'autorité de rester ou de partir, si tel était son choix, puisque nul espion n'échappait au regard d'un tueur à gages qui lui même se déplaçait parmi les ombres.

À moins bien sûr qu'il y ait effectivement un petit curieux qui les observait, auquel cas sa question paraissait anodine. Mondo Arcana n'avait au final qu'à faire confiance à Il Diavolo ... dilemme peu rassurant lorsqu'on s'attardait aux apparences.

Mondo n'était pas tranquille. Même la tiédeur de la nuit ne parvenait pas à le calmer véritablement, ce n'était pas de la nervosité. Mondo était un homme très stable un vrai roc mais c'était plus ce sentiment que quelque chose s'annonçait et qu'il ne parvenait pas à savoir l'identité de cette menace. Il avait l'impression qu'ils allaient se faire anéantir et que cet événement pouvait se produire à tout instant. ce n'était pas la vieillesse qui lui donnait ces tracas, ce soucis d'un calme temporaire. Il connaissait son ennemi et pire, il savait qu'il n'en existait pas qu'un seul. Si le mal pouvait être nommé, identifier, il serait anéanti. Sa force réside dans le fait qu'il se gangrène, s'insinue dans les ruelles d'une ville et la corrompt. Ne jamais se poser sur ses lauriers. Quand il retira sa capuche, il vit ce sourire qu'il lui faisait toujours par pur esprit disons de respect à son égard, ah il lui faisait confiance oui mais en revanche avec le temps il avait développé une théorie sur cette légère émotion. Qu'importe qu'elle soit vraie ou fausse, pourvu qu'il n'ait jamais, mais alors jamais à douter de lui, il connaissait de tels secrets qu'il serait un danger s'il venait à se retourner contre eux. Il ne doutait pas en lui fort heureusement. Il attendit qu'il se rapproche de lui, il jeta des regards furtifs. On pouvait compter sur Talionis pour comprendre ses sous entendus même s'il tentait de bien les dissimuler. A la réflexion de son agent, il pensa "Un maître offre un royaume, ce sont les personnes qui le bâtissent à mes yeux". Il n'allait pas le sortir ainsi, cela faisait moralisateur et ce n'était pas la relation qu'il avait avec lui.

" Marchons un peu, tu veux.", l'invita t-il avant d'entrer dans le vif du sujet.

Tout en marchant, il cherchait comment aborder le sujet de façon la plus précise possible. L'ennui c'était que tout principe non énoncé signifiait qu'il lui donnait carte blanche. Les assassins avaient leur manière bien à eux de réagir, ce n'était pas les prendre pour des idiots d'être le plus précis possible. Il était également le devoir de surveiller le déroulement des missions pur un chef de l'Arcana.

" Donc dis-moi ce que tu penses de la situation actuelle? J'ai besoin de savoir ce que tu sais et ce que tu ignores pour au besoin de compléter ou en apprendre davantage."

La situation était la même d'hier et c'était justement ce qui l'inquiétait, rien ne bougeait. Tout semblait immobile. Son expérience faisait qu'il n'avait aucune confiance à ce qui paraissait stable...Enfin, il attendait la réaction tout en marchant sur un tapis de mousse et de branchages secs. Son regard le fixait dans l'attente d'une réflexion, d'une preuve aussi de motivation, car ce n'était pas évident. Les lignes ennemies bougaient, il allait devoir quitter le pays un temps pour les régler ou les apaiser, mais avec ce rat qui le guettait au delà de cette forêt : partir était un pari risqué.

Une ultime bouffée avant d'éteindre la ciagarette sur le sol humide, et Talionis se releva, marchant quelques pas pour aller à la rencontre de Mondo. Ce dernier l'observait, l'acceptait, l'intégrait, avec ce regard si bienveillant mais sévère, cette allure autoritaire sans juger sous l'émotion. Ce n'était pas pour rien que les Arcanes l'avaient choisi pour porter le fardeau du Tarrocco. L'homme n'était pas né leader, mais il avait su user des bons talents pour le devenir - et ce sans jamais rien abandonner à l'éthique.

Quant à moi, je n'en ai cure que par respect. J'ai abandonné la morale au profit de la survie. Et je ne peux même pas le regretter.

" Marchons un peu, tu veux."

Il Papà avait pris sa décision. Comme il l'avait supposé, ce dernier faisait toujours une confiance absolue en son diable. Absolue, certes, mais pas aveugle. Aucun d'eux ne relâchait sa vigilance, et leur relation se devait de commencer par une vérification. Si les deux hommes étaient encore en vie pour se rencontrer, c'était là le signe qu'ils n'avaient jamais relâché leur attention. Même envers leurs plus proches amis. Surtout avec leurs plus proches amis.

Mais qu'en était-il de la famille ? Mondo baissait-il sa garde devant les membres de sa maisonnée ?

À dire vrai, Talionis se trompait sûrement, car la préoccupation de Mondo n'était pas dirigée vers son agent de l'ombre, mais bien sur la crainte de voir sa Famiglia payer pour sa négligence. Le tueur ne pouvait s'imaginer une seule seconde que son 'patron' - le terme était amical - ne doutait jamais de lui. Il ne pouvait se l'imaginer, même connaissant la nature si pure de Mondo.

Pour toute réponse, Talionis inclina légèrement la tête, prêt à suivre Mondo où qu'il le souhaiterait. Jusqu'au bout du monde. De toute manière, il y était déjà allé pour lui effectuer une mission. Trois fois. La troisième fois fut un moins instructive, d'ailleurs.

Dans le silence du Juste, Il Diavolo se doutait qu'il cherchait ses mots. Combien de fois dans sa rééducation le Papà l'avait gratifié de sa philosophie joyeuse et naturelle ? Aborder un sujet aussi triste ne devait pas être une habitude pour lui, mais cela restait dans ses cordes.

De toutes manières, il trouvera le moyen d'en plaisanter. Même en ironisant.
Ou alors ...

" Donc dis-moi ce que tu penses de la situation actuelle? J'ai besoin de savoir ce que tu sais et ce que tu ignores pour au besoin de compléter ou en apprendre davantage."

Ou alors c'est vraiment grave. Et lui qui s'était gratifié d'avoir saisi l'importance du conflit, voilà qu'une simple rencontre avec l'un des deux protagonistes lui prouvait le contraire.

J'entends ... confirma Talionis sur la requête. Par égard pour le vieil homme, l'ex-assassin chercha un instant à se formuler, puis entamma son rapport. Pas seulement d'une mission qui avait duré des années, mais également de ses propres investigations concernant l'affrontement qui avait commencé pour la conquête de l'île et du Tarroco. Le fait qu'il en parle ouvertement pouvait rassurer Mondo sur la confidentialité de cet endroit. Un tel discours ne pourrait être entendu de n'importe quel oreille.

Tout d'abord, l'erreur serait de croire que seul deux clans s'affrontent. déclara Talionis en levant l'index de chacune de ses mains, mimant les deux antagonistes. L'Arcana Famiglia, que tu diriges encore de ton vivant, fort heureusement ; Et la Momento Famiglia, dont je ne connais à ce jour que le nom et les dires qui sont ressorties de l'unique confrontation à ce jour lors de l'Arcana Duello, j'ai nommé Elysion Momento. Chevelure blanche, regard ensanglanté. Un démon pour les craintifs. L'erreur serait de le sous-estimer. Le simple fait qu'il ait pu en ressortir indemne alors que tous les membres les plus émanents de la Famiglia étaient présents en est la preuve irréfutable.

Bon point pour toi, tu as retardé l'échéance officielle de ta succession. À mon avis, c'est pour cela que ton adversaire ne s'est pas encore manifesté. Il t'a ostensiblement affiché comme ton seul et unique cible en se présentant précisemment à cette manifestation. Mais il risque de perdre patience, et aucun de tes proches n'est à l'abri. annonça-t-il un peu froidement, aussi marqua-t-il une pause pour laisser le temps à Mondo d'encaisser la conclusion logique. Par conséquent, il faut que tu fasses connaître à ton héritier son rôle. Celui-ci risque d'arriver plus tôt que prévu. Mais seul toi et lui devrait connaître cette information. C'est crucial.

Talionis s'était rapproché de Mondo et le fixait droit dans les yeux. Dans sa voix naturellement morne, on pouvait presque ressentir une émotion dans le choix de ses mots, ce qui criait à quel point la perspective de voir Il Papà être succedé et du danger que représentait Elysion étaient cruciaux pour lui.

En ce moment, les deux camps se jaugent. Les espions ont été envoyé de longue date et chacun va bientôt rapporter ce qu'il a observé des réactions respectives. N'importe qui peut dévoiler des informations à l'ennemi, même involontairement. Pour que la guerre ouverte éclate, il faut un évènement déclencheur. Notre priorité est donc de gérer le calme apparent et de s'organiser, afin qu'il n'y ait pas de pertes civiles. Elysion ne voudra peut-être pas d'un assassinat caché, mais je ne le crois pas patient. De toutes manières, malgré toute ma bonne volonté, j'ai du mal à le cerner avec le peu de données que j'arrive à recueillir de lui. Et ce n'est pas un hasard.

Bien évidemment, Il Diavolo n'avait pas évoqué cette éventualité par hasard. C'était là un appel, à l'illusion naïve que Mondo y répondrait. Il était dans l'intérêt de tous que l'Arcana Famiglia ait recours à de si viles méthodes. Malheureusement, Talionis savait pertinnement qu'il était le seul parmi eux à en être capable et pouvoir moralement se présenter à nouveau devant Papà après une telle malhonnêteté.

Talionis n'avait pas terminé son rapport, mais souhaitait laisser Mondo Arcana s'exprimer. Il n'avait fait que dresser ses analyses de la situation de l'île. Ses précautions étaient souvent justifiées.

Mondo l'observait ou plutôt il tentait d'apprécier ce calme illusoire qui s'installait, la situation était loin d'être réglée. Il n'avait encore envoyé personne en terrain ennemi de façon nette, mais il fallait procéder avec prudence. Au moindre faux pas, la personne pouvait y risquer sa vie. Leur marche s'accordait presque sur l'allure comme deux hommes partageant le même dessein. Marcher rendait la situation moins grave qu'elle était et évitait d'être trop localisable. Talionis lui parlait assez directement, ce qui pouvait apparaître comme un manque de respect, mais le chef de l'arcana savait de quel milieu il venait et l'engagement qu'il avait pris à son égard. Oui... Elysion était un démon, il était le présumé coupable de cette peste qui les avait rongés. Il se souvint de son intervention, de cette voix, de cette ombre aussi lors de l'enlèvement de sa fille. Tout se déroulait dans l'ombre, le secret. Il était bien difficile d'obtenir des informations sur cette autre mafia. En soupirant, il se dit qu'il lui faudrait sans doute passer à l'offensive en se rendant lui-même sur le terrain. Ses poings se serrèrent tout en posant sereinement son regard vers les yeux des Talionis qui poursuivait l'exposé de la situation. Il parlait qu'il n'y avait pas que deux camps, oui bien sûr il y avait les indécis, il y avait sans doute les contestateurs; c'était bien plus difficile que de défaire un nœud.

" Felicita connaît le poids de ce qui l'attend, je veux juste qu'elle ne demeure pas seul à diriger. De toute façon, comme tu as pu voir, ici nous nous serrons les coudes. Mon inquiétude est plus vers les Momentos. "

Talionis parlait avec une certaine nonchalance comme il se détachait de ce qu'il venait dire sans lui donner aucune couleur. De son côté, Mondo posait sa voix de façon ferme et résolue. Cette tension ne pouvait pas durer. Les camps se jaugeaient selon lui... Hum, pour le chef de l'Arcana le temps n'était plus à s'analyser puisque l'un des camps était déjà passé à l'offensive. Son regard se fit plus dur, il n'aimait pas à voir à convenir d'un tel fait. Se défendre contre l'assaillant pouvait être une première étape, mais n'était en rien définitif. Si Mondo n'avait pas souhaité un assaut trop rude c'était comme l'évoquait Talionis pour plusieurs raisons dont deux étaient énoncés par son interlocuteur : le manque d'informations et la crainte de perte de civils. Le chef de l'arcana ne savait que trop qi payait les coûts d'une guerre ouverte dont lui faisait part Talionis.

" La solution serait de se rendre dans leur camp leur soutirer des informations. Aucune attaque. Juste pour prévenir les coups et à plus ou moins terme arriver à étouffer l'attaque dans l'oeuf. Ne pas s'en prendre à eux directement. Je ne veux pas de mission commando, c'est inutile. Si je t'envoie... tu saurais l'accomplir ? "

Ce n'était pas un manque de confiance dont Mondo lui faisait part, mais plus une question après tout chacun pouvait ou non sentir des situations. Ce n'était pas un manque de force, mais bien une volonté qu'il fallait ou non posséder. Mondo finit par s'arrêter un instant en saisissant les deux épaules de son allié d'une poigne ferme.

"La personne envoyée ne pourra pas faire marche arrière avant un moment. Donc sang-froid, calme et loyauté envers notre cause. Ce sont ce que je demande pour cette mission."

Talionis lui avait montré ce qu'il savit de la situation, ce n'était pas une mauvaise étude, mais il fallait lui ajouter quelques éléments bien sûr. La discussion servait à rendre clair les décisions de chacun et à voir ensemble un moyen pour défaire ce noeud ou du moins l'aider à être plus resserré.

Aux heures les plus sombres, les monstres rôdent. [PV Mondo Arcana] Emiya_12

Vers la Mort, sereinement.

Même si les deux hommes pouvaient avoir leurs différents, ils marchaient à l'unisson. Mondo Arcana n'était pour Talionis que la seule et unique figure humaine qu'il se laissait admirer. Penser à lui calmait ses pulsions. Se figurer de sa droiture le refrénait dans sa colère. Il était l'eau de vie qui freinait la corruption de son âme. C'était l'homme qu'il avait choisi d'appeler Papà, celui qui avait épargné sa vie lorsque la sienne fut menacée. Bien qu'il ne voulait pas l'admettre, Il Diavolo ne pouvait s'imaginer se rendre responsable du trépas de Mondo Arcana. Il sacrifierait sans hésitation n'importe qui et n'importe quoi pour le sauver. Et ce n'était pas une figure de style ou une parole en l'air. La promesse du Diable dépassait la traîtrise humaine.

" La solution serait de se rendre dans leur camp leur soutirer des informations. Aucune attaque. Juste pour prévenir les coups et à plus ou moins terme arriver à étouffer l'attaque dans l'oeuf. Ne pas s'en prendre à eux directement. Je ne veux pas de mission commando, c'est inutile. Si je t'envoie... tu saurais l'accomplir ? "

Ce moment, Talionis l'avait perçu dans ses prédictions. La raison pour son retour était évident. Il était entré dans l'Arcana Famiglia en tant que traître. Son comportement belliqueux avait alimenté le doute au sein de sa propre famille. Et l'agent de l'ombre n'avait jamais trouvé utile le soin de dissiper la méfiance. Il n'avait pas besoin de se lier d'amitié envers l'Arcana pour les protéger. Peut-être voulait-il les protéger de sa personne en restant éloigné de toute amitié. Peut-être voulait-il se protéger lui. Sociabiliser le rendrait davantage humain. L'humain était faible. L'humain devait rester en léthargie pour qu'Il Diavolo soit prêt à tout pour la Famiglia.

La respiration de Talionis s'accéléra. Très peu, mais même ce changement était si rare qu'on pouvait le ressentir immédiatement. L'humain était profondément endormi, mais il n'était pas mort. Un conflit d'émotion naissait en lui. Si intense qu'il avait du mal à le gérer. Les mots étaient tels des poignards : même s'il en connaissait la nécessité, même s'il en connaissait l'objectif, la douleur restait la même : insupportable.

Si tu m'envoies ... je crains d'échouer et de périr.

L'agent avait compris que Mondo allait l'envoyer en mission. Il n'avait pas compris qu'on attendait de lui un miracle. Un diable n'accomplissait que rarement un miracle.

Tu attends de moi ... que j'aille espionner la Momento Famiglia et d'agir pour éviter le conflit et réduire les pertes. C'est pour cela que tu ne veux aucune attaque directe : par crainte des représailles.

Talionis savait parfaitement ce qu'il avait à faire. Mais il ne pouvait pas le croire : il ne voulait pas le faire. Il allait le faire, le sujet n'était pas à débattre. Mais déjà, son visage de marbre se brisa. À nouveau, l'angoisse et la colère montaient.

Je suis l'homme de la situation, non pas par mes talents de violence, mais par mon asociabilité et ma nature. Il n'y a qu'un moyen pour que je parvienne à rentrer dans la Momento Famiglia.

Il sacrifierait tout.

Papà ... je devrais te trahir ? Le ton de la voix était affirmatif : comme un ordre indirect, une vérité absolue, une prédiction.

Talionis s'arrêta, se retourna, regarda à droite, à gauche, avec des mouvements courts et saccadés. Il visualisait une stratégie, mais il ne voulait pas la voir. La malédiction d'être le mouton noir lui retombait dessus. Il se rendait compte qu'il n'avait qu'une chose à perdre. Un seul bien précieux à sacrifier : sa loyauté envers Mondo.

Je ... je ne sais pas ...

Talionis se prit la tête entre les mains. En peine, les yeux clos, il avait complètement perdu ses moyens, son calme, sa vigilance. Bien évidemment, cette trahison serait factice. Mais pour convaincre Elysion, il devrait mettre un pas dans sa propre perte.

Mais le doute n'était pas permis. Sa loyauté envers Mondo serait altérée, détruite, réduite en cendres, mais elle persisterait. Aussi fort qu'une âme était liée au corps jusqu'à sa mort.

Il Diavolo se calma, retrouva rapidement ses esprits. Ses émotions avaient pris le dessus l'espace de quelques secondes. Bien qu'il se sentait excessivement faible, il lui restait une dernière chose à accomplir. Mondo ne devait se sentir ni coupable, ni même responsable.

Se retournant, il s'agenouilla devant Mondo. Un ultime geste de loyauté. Le dernier qu'il ne pourrait jamais lui montrer.

Ne m'envoie pas. Je suis volontaire. J'irais de moi-même.

Je peux te proposer une ligne d'action qui permettra peut-être de réussir ce plan. J'en doutes, mais je pense que nous savons tous deux que c'est la démarche à suivre.

Mais quelle que soit le dénouement de cette mission, elle sera ma dernière. Tu ne m'en veux pas ?

Il restait à Talionis le soin d'expliquer sa ligne de conduite. Mais au fond de lui, même avec l'initiative qu'il prenait pour éviter que Mondo ne se salisse les mains en ordonnant une telle mission, en condamnant la loyauté indéfectible d'un de ses membres, au fond le fils avait peur. Il était effrayé de devoir effectuer une telle tâche et espérait secrètement un dernier réconfort de la seule personne qu'il estimait. La seule personne dont il allait devoir aux yeux de tous être le traître.

Aux heures les plus sombres, les monstres rôdent. [PV Mondo Arcana] Emiya_14

Mondo n'était pas très à l'aise pour parler de ces choses qui l'inquiétaient même s'il ne le montrait pas. C'était son rôle de rester le plus impassible possible pour inspirer confiance et respect envers son entourage. Évoquer des lacunes dans cet ensemble lui donnait l'impression que le sol sur lequel il se trouvait pouvait se rompre à tout moment. Il tentait d'être le plus vigilent possible et tant que c'était possible. Pour le moment, ils ne s'en sortaient pas si mal, puisqu' aucune action n'avait pu être perpétrée contre eux. Ce n'était pas une raison pour s'endormir, mais voilà il fallait juste qu'il en sache un peu plus. Tout le calme de son associé se volatilisa en crainte voire en terreur, Mondo en fut surpris. Parler de la mort ne la rassurait pas plus que cela, il fixa l'homme au passé si sombre se trouvant à ses côtés. était-ce prudent de l'envoyer à une telle fin ? Il savait assez que le penser c'est se cautionner à cette fin. il en frissonnait un peu tout en fronçant les sourcils. En qualité de chef, il devait essayer de prendre les bonnes initiatives. Tout comme tout être humain, il avait ses doutes, il lui avait juste poser une simple question et il avait cette réaction. Il ne savait plus quoi en penser. Talionis n'en resta pas là, il étoffa son propos en expliquant davantage les raisons d'une telle mission. C'était à moitié vrai, Mondo n'aimait tout simplement pas le conflit, tant qu'il pouvait l'éviter en se préservant, il le ferait. A force il avait espéré qu'Elysion en ferait de même, mais une ombre planait toujours de son côté et ne semblait pas se calmer.

" Je ne veux pas de dégâts, enfin le moins possible. J'ai assez connu ce que donne un conflit à ciel ouvert... Des sanglots, du sang, du désespoir, des rêves brisés... je ne veux pas cela. Ce n'est pas le monde que j'imagine."

C'était sans doute un peu présomptueux, mais chacun avait ses rêves. Autant le dire à ceux que l'on considère comme proches, sinon à quoi servent-ils ? Les rêves servent à être partagé. C'était grâce à la volonté de plusieurs qu'ils avaient pu maintenir leur ville si prospère. Il disait être l'homme de la situation de par son asociabilité et sa nature, mais justement ici sa nature s'exprimait de façon peu déterminée. Mondo s'arrêta, il avait l’impression que s'il continuait le pauvre Talionis allait perdre tout son calme vraiment.

" Prends le temps de réfléchir si l'idée ne te plaît pas... je n'irai pas contre toi. Je....

Aussitôt, il retourna dans ses hésitations, il semblait torturé par cette idée.

" Je ne te demande pas de me trahir... j'ai besoin juste d'avoir un oeil là-bas. "

Quand il lui dit après qu'ils se soient arrêtés pour qu'il se reprenne un peu qu'il était volontaire, Mondo ne le regardait pas. Il regardait ailleurs, aussi loin qu'il le pouvait. On lui demandait de prendre les bonnes décisions, mais dans ces cas-ci il cherchait ma bonne. Le chef de l'Arcana lui fit un signe de la main pour l'inviter à poursuivre sans lui donner de réponse précise sur son engagement.

" Je ne comprends pas trop... je t'écoute... Explique toi."

Il ne voyait pas pourquoi cela serait sa dernière, enfin il ne voyait pas en quoi ils ne devraient définitivement plus se voir. Temporairement bien sûr sinon ce serait trop dangereux dans le cadre de cette mission, mais voilà il plissait des yeux en attendant la fin de cette histoire.

À nouveau maître de ses émotions, l'assassino se forçait à rester calme et impassible, tel qu'il devait paraître pour rassurer Mondo. Talionis savait pertinemment qu'il aurait pu refuser une telle mission et voir quelqu'un d'autre y aller à sa place. Mais le belliqueux n'avait confiance qu'en lui et Mondo. Il ne pouvait pas se permettre de voir quelqu'un d'autre échouer. Ce n'était pas une option. D'autant qu'il était l'un des seuls membres de l'Arcana à n'avoir aucune attache sentimentale. Si ce n'est Il Papà, personne ne regretterait sa disparition. Voilà encore une chose qu'il avait sacrifié à la cause de sa Famiglia. Si bien qu'il ne lui restait plus grand chose à abandonner et lorsque l'occasion se présentait d'offrir sur l'autel ce qui lui restait d'existence, la douleur demeurait vive. Peut-être que Mondo ne le percevait pas, mais cela n'avait aucune importance. Avant d'être accueilli, il n'était rien. Il ne se sentait vivant que lorsqu'après un meurtre il fuyait. Tant qu'il fuyait, tant qu'il survivait, l'Angelo della Muerte devait avoir une raison de vivre. Mais le jour arriva où il n'arriva pas à fuir. Sa volonté de vivre ne fut pas suffisante. Et en la personne de Mondo Arcana, il accepta ce châtiment et en fit une force, un atout à jouer lorsque l'île affronterait sa plus grande menace.

Talionis pencha légèrement la tête en signe de respect. Mondo Arcana ne comprenait pas encore l'étendue de ce qu'il venait de demander à son Diavolo.

Je suis désolé si je t'ai inquiété. Pardonne-moi de mon doute.

Petit à petit, une sensation emplit l'âme torturée de Talionis. Une émotion qu'il n'éprouvait que trop peu. La motivation. Réaliser des missions pour Mondo Arcana était son dû. Il n'y avait pas à discuter. Mais se rendre compte que ce serait là l'ultime service qu'il pourrait lui rendre, Venere ressentait toute la crucialité d'une réussite.

Tout d'abord, je suis loin de pouvoir t'assurer l'absence de dommages collatéraux. Tu me connais, j'ai toujours travaillé au maximum de mes capacités, je réduirais ce que tu crains afin que soit préservé ta vision du monde.

De toute manière, lorsque deux camps s'affrontaient, deux rêves s'entrechoquaient et essayaient de se prévaloir sur l'opposant. Jusqu'à ce qu'un des deux mondes s'écroule, emportant avec lui tous ses occupants.

La seule manière pour moi d'infiltrer efficacement la Momento Famiglia est de trahir l'Arcana Famiglia. Une grande majorité de la population n'aura aucun mal à y croire. L'autre moitié ne doit même pas connaître mon existence.

Malheureusement, Talionis énonçait ce fait déprimant sans une once de regret. L'ancien tueur n'avait jamais cherché à se montrer et avait les plus grandes difficultés du monde à se mêler aux autres. Il souffrait d'incompatibilité sociale et d'une vision traumatisé de l'existence humaine en générale. C'était peut-être pour le mieux et jamais on n'aurait pensé qu'un jour il guérirait tant les séquelles étaient profondes, marquées dans le sang de ses anciennes victimes dont le remords hantait son quotidien.

Je pourrais rester dissimulé dans l'ombre mais je ne ferais qu'observer sans pouvoir influer et réduire la gravité du conflit. Je doutes que cela soit même possible : Elysion et ses alliés travaillent dans un secret plus profond que le mien. Il me faut donc susciter l'intérêt de ce monstre.

Et vu la rancœur qu'il a à ton égard, cette obsession morbide qu'il semble te vouer, le seul moyen est que tu déclares ma trahison.

Tu peux inventer la raison que tu souhaites, tant que cela est convaincant. Plus ton entourage et les habitants de l'île seront persuadés, plus le bruit courra aux oreilles d'Elysion. Envoyer des membres de la Famiglia me traquer me donnerait une chance supplémentaire d'être probant

Tel était le plan de Talionis. Être un agent double. Le plus convaincant des mensonges était la stricte vérité : sans dissimuler son ancienne appartenance à l'Arcana Famiglia, jouant de son caractère asociale et sa réputation de violence, Il Diavolo souhaitait obtenir l'intérêt d'Elysion.

Il est crucial que j'obtienne rapidement une place à ses côtés. Si jamais Elysion a le moindre doute sur mon apparente déloyauté envers toi, il risque de me demander de faire mes preuves et de commettre un tort à l'Arcana Famiglia.

Évidemment, cela était une stratégie sans issue. Talionis pariait sa vie et son honneur, l'entremêlant sur l'issue de cette guerre.

Si je réussis à étouffer l'oiseau dans l’œuf, alors j'assures ta victoire contre la haine insatiable des Momento jusqu'à ma mort. Si j'échoues, mon destin reste inchangé. Je ne vois aucune issue où je survis. Pas avec les maigres connaissances que j'ai pu récolter. J'avance à l'aveugle pour cette mission, voilà pourquoi elle sera ma dernière.

Mondo ne savait pas vraiment ce qu'il devait penser de son ami, il lui faisait confiance, mais l'envoyer en mission c'était une autre paire de manches. Ses yeux l'observaient, il cherchait à prendre une décision, décision qu'il ne voulait pas regretter. Il allait beaucoup le regretter, il était son bras droit et le voir partir aussi subitement, cela lui serrait un peu le coeur. C'était une réalité de mafia, il fallait que certains quittent le pont et que d'autres y restent. Les incertitudes rongeaient son esprit qui demeurait tourmenté. Il aurait bien voulu plus en parler au groupe complet, avoir leur réaction, mais cela n'aurait créé que des discussions de plus en plus longues. Il n'était pas sûr que cela ait un côté bien efficace, c'était même plutôt l'inverse. Cela allait s'éterniser et finalement il ne prendrait jamais cette décision. Talionis avait beaucoup fait pour lui, il lui avait rendu beaucoup de services. Il se souvenait de chacun d'eux. Au début, c'était loin d'être simple de lui faire confiance, mais Mondo avait cette force, ce don pour donner une deuxième chance. Il l'avait aidé ce petit à faire sa vie et là il lui fallait prendre une décision. Il se mit à soupirer en fixant l'herbe sur le chemin. Le rôle de dirigeant était parfois si difficile qu'il en venait à l'étouffer. S'il perdait une carte, il pouvait se sentir plus mal qu'à présent. Son adversaire pouvait en profiter pour lui en soustraire une qui ne serait pas attribuée, une qui pourrait le tuer lentement. La carte du diable était une carte puissante, une arcane majeure, une de celles qui pesaient sur la sienne qui était le monde. Lui pardonner son doute ? Mondo ne pouvait pas l'effacer de sa mémoire, il ne pouvait pas agir dans un coup de tête, trop de choses étaient en jeu. Son allié, une carte, le conflit c'était beaucoup pour un simple mot. Il n'avait qu'à dire un "oui" et il partirait, il le savait bien. La peur lui saisissait un peu le coeur, ce n'était pas une peur paralysante, il en fallait plus pour le mettre dans tous ses états, c'était plutôt celle qui fait redouter un mauvais choix.

Quand il lui parla de sa vision du monde, il se massait les cheveux en cet instant, il s'arrêta. Talionis commençait à raviver son assurance, c'était un message bien difficile à porter, mais il avait comme devise que celui qui avait une ligne de conduite pouvait se rendre loin. Mondo s'était laissé happer par des idéaux, des mots, des valeurs, cela lui avait toujours réussi. Pour le coup, il réussit à de nouveau capter l'attention de Mondo qui sortait peu à peu de ses réflexions. Le jeune homme réclamait pour son nouveau titre une mise en scène d'une trahison ? Cela pouvait se faire, c'était même tout à fait probable. Mondo hocha la tête pour lui signifier qu'il allait sans tarder reprendre la parole. Tous ceux qui connaissaient le chef de l'Arcana savaient qu'il fallait se taire dès qu'il en formulait le désir. Il était le chef de l'organisation, mais ce respect ne venait pas de là. Il était un chef aimé, admiré par certains et son autorité lui venait de cela non de la crainte comme pour d'autres dirigeants. Ses actes l'avaient hissé à ce rôle, cette fonction qu'il honorait de son mieux.

" Je pourrai te faire une mise en scène pour que personne ne doute de ta trahison, mais à mes yeux tu resteras des nôtres. '"

La suite perturba Mondo pour plusieurs raisons : le revirement subit de son allié et aussi la certitude qu'il avait de ne jamais revenir. Comment pouvait-il en être sûr ? Il plissa les yeux, il se méfiait de cette dernière partie tout simplement parce qu'elle relançait encore ses incertitudes. Le chef de l'Arcana posa sa main sur ses hanches, s'arrêta pour remettre en ordre ses idées.

" Tu ne dois pas mourir dans ce camp, soyons clairs. Je ne t'envoie pas à la mort et je ferai ce qu'il faut pour qu'il en soit ainsi. Tu ignores le pouvoir que je peux avoir en ce sens, mais il faut que tu te donnes dans ce rôle sans quoi je ne peux t'y envoyer. Déclarer ta trahison ne sera pas difficile, je ne dirai la version véritable de cet événement qu'à mon cercle le plus proche et je donnerai cette version au reste pour qu'il la soutienne. La rumeur doit en effet se répandre, mais sous couvert que tu cherches à rester en vie. Je peux chercher une autre solution, tu sais ce n'est pas difficile. "

Sa voix n'avait pas buté, il était sûr de lui dans ses démarches. On y sentait toutes les questions qu'il avait dû se poser. Il posa sa main sur son épaule, il recherchait toujours la sécurité, il ne voulait pas l'envoyer à la mort.

" Un homme mort emporte avec lui tout ce pourquoi il se battait, veux-tu finir si vite dans cet état ? Je te croyais plus fort, mon ami. "

C'était une pure provocation certes, ce n'était pas vraiment le style de Mondo, mais il le poussait à réagir de la sorte. Il ne pouvait soutenir un projet dont l'issue serait celle-ci.

À la faveur de la Nuit, à la lueur de la Lune, dans le secret sombre que garderait à jamais la forêt endormie, une décision lourde de conséquences devait être prise. Mondo avait suscité en lui une émotion si nouvelle et si intense qu'un lien indestructible s'était lié entre les deux hommes. Une loyauté sans faille qu'il croyait ne jamais devoir mettre à l'épreuve. Talionis avait été un tueur à gages dans une autre vie. Désormais à l'abri du regard inquisiteur empli de pitié du patriarche, il exécutait ses ordres et explorait le monde, en profitant au passage pour la débarrasser des pires criminels dont il connaissait la réputation, ayant rarement pu faire preuve de pitié face à une rédemption manifeste. C'était ce qui gardait l'esprit d'Il Diavolo satisfait, depuis que le contrat s'était engagé. Le Diable avait besoin d'âmes pour se repaître et conférer la puissance de l'Arcane à son contracteur. Sans le belliqueux pour contenir cette rage et ces pulsions, un autre que lui aurait succombé à une folie meurtrière sans fin. Tout ce que pouvait faire Talionis, c'était rediriger cette puissance vers des opposants à l'éthique violée par des actes d'une horrible atrocité. Mais garder enfoui cette part d'ombre devant le seul homme qu'il jugeait digne avait un prix, dont le mystère lui aussi resterait pour toujours caché. L'homme sacrifiait tout pour préserver Mondo, dans l'espoir fou qu'il ne dériverait jamais de son chemin.

Ce dernier doutait visiblement, et Talionis trouva en ce fait un signe salvateur. L'aîné s'était arrêté, songeur face à la demande de son bras droit. Ou plutôt de son arme droite, car telle était la vraie utilité de Venere : une arme. Puissant était celui qui était arrivé jusque là à éviter de l'utiliser, sage était celui qui réfléchissait encore à son usage, lorsqu'on connaissait de quoi était capable l'arme. Même s'il avait essayé de réagir assez rapidement en se portant volontaire pour lui épargner la culpabilité d'une telle décision, Mondo Arcana restait son unique figure d'autorité, ce qu'il ne tarda pas à rappeler par un petit geste de la tête qu'il avait l'habitude de faire lorsqu'il souhaitait reprendre la parole. Talionis s'éxécuta immédiatement. Ce qu'il dit ensuite perturba à nouveau Il Diavolo.

Bien évidemment, ce n'était pas la petite provocation qui enclencha sa réaction, mais bien la nouvelle interjection de Mondo qui déclencha un petit rire à Talionis.
L'homme qui ne souriait jamais avait volontairement laissé échapper un rire innocent, sans aucune ironie ni un soupçon de sournoiserie. Oui, plus que son patron, Papà était un ami, un confident, le père qu'il avait décidé de sauver par pure intuition, un désir plus fort que ce qui l'avait aidé à survivre durant son enfance. Et lorsque votre conscience vous indique un chemin qui doit être considéré au-delà de votre propre existence, il ne faut pas hésiter à l'emprunter.

Je me sens stupide, honnêtement. Parfois j'oublie qui tu es. dans l'un de ces uniques moments de sincérité, là où tous les masques tombaient, Talionis marchait d'un pas serein, en esquissant des petits gestes avec un visage tranquille, même si à nouveau tout sourire s'était dissipé. Nous savons tous deux que j'en ai rien à foutre de ce que pensent les autres, mis à part toi. La simple pensée que tu continueras naïvement de croire en moi - malgré ce que ton entourage serait prêt à colporter comme rumeurs - me redonne un maigre espoir. Et c'est de loin la plus puissante des forces qui m'ait été donné d'observer.

Cela faisait bien trop longtemps qu'il n'avait pas discuté avec Mondo qu'il avait oublié comment il fallait s'y prendre avec lui. Son obéissance avait pris le pas sur ce qu'attendait l'homme. Talionis était prêt à tout, y compris à faciliter la décision de Papà en lui parlant avec le peu de sincérité qu'il lui était donné de donner. Mondo ne devait pas envoyer Talionis vers une mission si suicidaire en tant que chef, mais en tant qu'ami, avec une confiance presqu'aveugle envers un autre. La gravité de la situation prêtait difficilement à ce genre d'exercices, mais les talents d'adaptabilité de Venere étaient sans précédentes.

Ensuite, je n'ai jamais dit que je ne me défendrais pas. Bien évidemment, l'ennemi n'aurait jamais pu mettre la main sur mon Arcane de mon vivant, j'ai quelques atouts dans mon sac pour palier à mon propre pouvoir, au cas où je sois victime de contrôle mental. avoua Talionis, sans préciser de quelles natures étaient lesdits 'atouts'. Mais si tu m'interdis de mourir, effectivement les choses sont plus claires. Je prendrais cela comme une mission à durée indéterminée en ce cas. Sourire bref.

Talionis avait repris confiance en soi. Du moins en apparence. Il continuait de dissimuler les pensées qui auraient immédiatement convaincu Mondo de ne pas l'envoyer. Bien évidemment que la dangerosité de la mission n'en était pas affectée, mais c'était la manière de l'appréhender, sous la demande explicite de Papà, qui venait de changer. «Tu ne dois pas mourir.» était une phrase effectivement claire comme de l'eau de roche.

Ce qui l'était moins, c'était que Mondo ne pensait pas être si perspicace avec sa provocation, sur laquelle Talionis évita soigneusement de porter attention.