Ces derniers temps, beaucoup de choses avaient changées. Jusqu’alors, Chealsey avait prît pour habitude de contrôler intégralement son mode de vie. C’était pour lui une manière de palier au manque de présence extérieure tout en n’ayant pas à se poser d’avantage de questions qu’il ne serait bon pour lui. Après une enfance agitée, il en était venu à la conclusion que seule la stabilité pourrait permettre son salut. Néanmoins, la vie avait un sens de l’humour différemment formé. Elle avait ainsi trouvé le moyen de le sortir de la monotonie dans laquelle il essayait de s’engouffrer. Pour ce faire elle avait prît un mot et l’avait placé dans la vie du jeune homme. Celui-ci était un nom propre, plus précisément « Momento ». Ainsi dit, cela pouvait paraître minime mais ce nom était tant de conséquences qui allaient nécessairement en découler. C’était dans une période de trouble que le blond en était venu à dire une phrase sous la recommandation d’une carte à jouer. Dans cette situation hautement improbable et certainement proche d’un délire pathologique, le luthier n’avait pas encore compris ce à quoi il venait de s’engager.

Aujourd’hui, mis à part un tatouage sur sa hanche droite, la vie de l’anglais n’avait étrangement pas tant changé que cela. Il fallait le dire, contrairement aux personnages de romans, le jeune homme ne connaissait pas une évolution soudaine et abrupte. Donc non, pour l’instant, il ne s’était pas transformé en un monstre assoiffé de sang. Dans tout cela, il aurait été parfaitement logique que le blond pleure sur son sort. Après tout, on ne pouvait pas dire que ce groupe semblait disposer des intentions les plus nobles ni de la meilleure des images et pourtant, Chealsey abordait le sujet avec une sérénité qui aurait pu être sujet à controverse. En réalité, malgré l’état la condition exceptionnelle qui avait poussée le luthier sur cette voie, celle-ci se rapprochait étrangement d’avantage du plus grand idéal qu’il eut pu avoir. Si l’on prenait le problème dès la racine, il n’était pas difficile de comprendre pourquoi le blond s’était construit ce cadre de vie. Il cherchait simplement à fuir l’hypocrisie de ceux capables de l’affecter. Alors dans ce cas précis, qu’y-avait-il de mieux qu’un contrat liant des individus ? Il aurait été excessif d’appeler cela une famille et ce qu’importe la façon dont elle s’organisait. Pourtant, il y avait bien quelque chose qui les liait.

Plus que tout, Chealsey voyait en cette opportunité une nouvelle, une vraie raison de poursuivre. Jusqu’à lors, il s’y était forcé, il avait occupé son esprit, trop raisonné pour se permettre de rêver. Elysion possédait un désir qu’il était prêt à accomplir et dont il n’avait jamais douté. En comparaison du blond aux espoirs bien mince, il représentait quelque chose de plus grand. L’anglais considérait qu’il avait là l’opportunité de faire du rêve de cet homme le sien. Pour lui qui n’avait pas de rêve, qu’y-avait-il de mieux que de soutenir ceux d’un autre ? Précisément rien. Allant de paire, le luthier disposait d’une indéniable envie de se rendre utile et d’apporter son aide. Cela aurait été parfaitement faisable dans une commune mesure, considérant qu’en tant que contractant, il était supposé posséder d’étranges capacités digne des sorcières des contes de fée. Malgré son statut, le jeune homme ne s’était depuis vu attribuer aucune véritable tâche digne de ce nom et c’était là une chose compréhensible. Cette capacité précédemment évoquée aurait pu ou du moins aurait dû palier au manque d’expérience total dont souffrait le jeune homme dans ces débats. Néanmoins, son expression était pour lui une chose bien plus compliquée qu’il ne pouvait y paraitre. Afin de vous en donner une bonne idée, tentez de bouger un muscle invisible que vous n’auriez jamais utilisé et dont vous ignoreriez l’emplacement ou encore la fonction. Vous comprendriez alors l’origine de ce blocage.

Chealsey ne pouvait s’empêcher de ressentir de la frustration à ce sujet. Comme bon nombre de personnes de la ville n’ayant pas participé à la guerre, il avait la particularité non seulement de n’avoir jamais fait de mal à une mouche mais aussi de ne pas avoir touché ne serait-ce qu’une arme dans son existence. Ainsi, pour finalement se révéler utile, il n’avait que peu d’options. Il devait parvenir à utiliser cette fameuse capacité dont il n’avait aucune idée. Le luthier tenait sa boutique pendant ses heures d’ouverture comme si de rien était. On lui permettait donc de continuer dans sa routine. Ce n’était en somme pas plus mal car c’était certainement l’une des seules choses que celui-ci avait toujours su faire et qu’il exerçait avec minutie. Feindre la normalité  et la perfection avait après tout été l’oeuvre d’une vie. D’une certaine façon, cela assurait aussi une transition moins violente. Malgré tout, en dehors de ses heures d’ouverture, tous les questionnements du jeune homme refaisaient surface, plus violents encore. Il devait trouver un moyen d’utiliser sa dite capacité et devait donc commencer par en apprendre plus.

C’est dans cette optique qu’un soir Cheasley partit pour Nordia. La nuit arrivait tôt et il était pour le moins difficile pour lui d’abandonner son commerce. Une voiture le déposa non loin de la grande place pour une heure seulement. Ce devait être une des premières fois qu’il se rendait d’en cette ville. Dans ses poches, le blond gardait ce qu’il estimait comme le prix de la vérité bien qu’il ne pouvait s’empêcher d’espérer qu’il n’aurait pas à dépenser une telle somme. Il venait rencontrer une voyante itinérante qui logeait dans une carriole et était supposée lire l’avenir dans les cartes de tarot. Il ne croyait pas à toutes ces histoires, mais d’après ce qu’il avait comprit, toutes les cartes avaient une signification. La sienne étant le soleil inversé, il espérait trouver des solutions s’il commençait par mieux connaître ce qui apparemment le caractériserait. Lorsqu’il arriva sur la place, celle-ci était presque déserte. Le jeune homme marqua un temps d’arrêt. Il se demanda s’il avait l’air suspect ou du moins la façon dont il devrait agir face à la voyante. En toute logique, il ne pourrait pas demander ce qu’était la carte du soleil. Il devrait être plus subtil. La lumière allumée sur la carriole lui indiquant que la voyante travaillait encore, le luthier ne perdit pas plus de temps. Sur les quelques mètres qui le séparaient de son objectif, le blond fît de son mieux pour se convaincre de la banalité de son acte aux yeux des autres. Après tout, Bon nombre de personnes étaient superstitieuses. Malgré tout, une fois face à la voyante, il ne perdit pas longtemps, s’adressant à elle par la fenêtre sur la gauche de la carriole.


La voyante indiqua son tarif puis étala toutes les cartes face caché sur la table débordant légèrement à l’extérieur. Puis, elle en retourna quelques unes. Le jeune homme qui jusque là ne s’était jamais vu prédire son avenir découvrait alors avec angoisse que seul quelques cartes étaient retournées et qu’encore une fois, parmi les cartes retournées, toutes n’étaient pas lues. Bien évidemment, il y avait peu de chance que précisément sa carte sorte sur la table. Le luthier redemanda trois fois à la voyante de tirer les cartes mais jamais celle qu’il attendait ne faisait son apparition lui donnant l’impression de jouer à la loterie. A la fin de celle-ci il abandonna. Dans tout ce qu’avait dit cette femme, il n’y avait pour le jeune homme rien d’intéressant. Il avait toujours trouvé un peu pitoyable de faire reposer sa vie sur des croyances. Car nécessairement, si vous étiez persuadés que votre journée allait mal tournée, elle n’allait pas tarder alors que si l’on vous disait le contraire, vous seriez poussé à voir la vie du bon côté. Effectivement, se faire dicter sa vie par une voyante n’avait rien de très intéressant pour l’anglais. Se refusant d’y passer la nuit et d’avoir l’air plus suspect encore, Chealsey tenta une autre approche. Certes, elle était plus directe mais il n’oubliait pas de nuancer son propos en bon paranoïaque qu’il était.


La voyante passa sa main à l’arrière de sa carriole et en tira un livre. Le jeune homme pu lire sur la couverture « L’art divinatoire du tarot ». Celle-ci le posa sur la table. Chealsey fût à la fois ravi de constater qu’une telle chose pouvait exister. Plutôt que de passer plus de temps ici pour rien, il aurait été mieux pour lui de le consulter à son domicile, d’avantage à l’abris des regards. Lorsque le luthier en demanda le prix, un grand poids pesa sur sa tête. Apparemment, la voyante n’avait pas particulièrement apprécié le manque d’attention de son client face à son art et ne se gênait pas pour le faire savoir dans le prix. L’anglais disposait bien de la somme demandée sur lui mais hésita, bien conscient de se faire avoir. Puis il repensa à ce qu’il avait appelé plus tôt le prix de la vérité. en partie à contre coeur, il procéda à la transaction et passa le livre sous son bras.

Quelle colère, quelle fureur, quelle déception ce fût de constater que la voiture n’était plus là à son retour. Il n’y avait que quelques possibilités pour expliquer un tel événement et tous impliquaient un manque conséquent de professionnalisme de la part du chauffeur. Le jeune homme fût tenté d’attendre quelques minutes dans le cas où la dite voiture se serait absentée pour une courte course mais il ne pût s’y résoudre. Il fallait dire que dans cette histoire il y avait bien une  question de fierté mal placée. Après tout, ou du moins dans l’aspect théorique, le client était roi. Le serviteur n’étant ainsi pas capable de s’adonner au service demandé ne méritait aucunement une seconde chance. Cette mentalité était le fruit de mois de commerce, forcé de sourire et de se rendre utile autant que possible aux clients qui garantissaient sa survie. En conséquence, nécessairement, il attendait une attitude égale de la part de ces autres personnes vendant elles-aussi leurs services. Il y avait bel et bien un soupçon de rage là-dedans. Dans un premier temps car il allait de soit que le luthier se comportait au mieux avec les êtres peuplant cette île et qu’en retour, bien que certains aient au quotidien un tempérament bien plus agressif que le sien, on parvienne encore à lui manquer de respect en tant que client. Peut-être devait-il apprendre à faire peur pour se faire respecter ne serait-ce qu’un peu plus. Non. C’était certainement une bien mauvaise idée. Il n’avait ni la carrure ni le caractère. Il ne ferait que se tourner en ridicule.

A présent, il devait explorer ses options alors qu’il retournait vers la place. Assurément, à cette heure, ses chances de trouver un moyen de transport quel qu’il soit étaient quasiment nulles. Si on ajoutait à cela sa connaissance plus que lacunaire des lieux, il valait mieux oublier cette idée dès maintenant. Ainsi, il s’épargnerait des déceptions et d’éventuelles crises de nerf (non exprimée physiologiquement bien évidemment). Peut-être pouvait-il rentrer à pied ? De nuit, en empruntant un chemin qu’il ne connaissait pas. Prenant en compte le temps d’hors et déjà mis en voiture pour atteindre la ville, cette solution serait plus que désespérée. Ainsi, il ne restait plus grand chose mis à part passer la nuit ici et attendre le lendemain matin pour revenir à Regalo. Désormais, la question était de savoir où il pourrait dormir. Il était nécessaire qu’il conserve suffisamment sur lui pour payer le chauffeur le lendemain. En définitive, il devait trouver quelque chose d’abordable. La deuxième mention étant la moins importante car quelle évidence était plus belle que celle de se dire que les auberges de la grande place n’étaient jamais abordable. Il ne pouvait pas risquer de se perdre, il devait trouver quelque chose. Le regard du jeune homme se posa sur un bar. C’était à vrai dire finalement le dernier établissement ouvert de l’endroit si on omettait le grand hôtel un peu plus loin brillant de plein feu et comme aspirant les fonds monétaire d’un simple regard. Le blond frissonna. Il n’était pas bien couvert pour cette température. Il se montrait à son habitude prévoyant mais cela ne tenait que lorsqu’il faisait des choses couramment effectué. Car effectivement, faire des recherches ésotériques dans une ville voisine n’était pas l’affaire de tous les jours.

Lorsque Chealsey aperçu l’enseigne indiquant que glorieusement, cet établissement faisait chambre d’hôtes, le jeune homme eut un espoir bien mince. Le bâtiment était sur la place, autrement dire, il ne devait pas être bien plus abordable que celui d’en face. Enfonçant une de ses mains la poche de son manteau pour prendre ses gants, le luthier les enfila en étudiant le cadre… sinistre. Il y eut un courant de malaise. Ce n’était pas si difficile à expliquer. Il y avait cette impression de « hautement non fréquentable » qui semblait planer au dessus de l’enseigne. Ce pouvait être les tables encastrées dans le marbre pour pas qu’on ne les retournes, l’éclairage nettement insuffisant donnant l’impression que la rue était plus illuminée ou encore la populace fréquentant l’endroit… C’était un bien grand mot car il n’y avait qu’un seul individu. Un individu louche dans tous les sens du terme. Il ne pouvait y avoir que ce genre de personnes pour fréquenter cet endroit. Le blond se sentait un peu intimidé, se demandant s’il y avait là une histoire d’espace personnel pour qu’il soit le seul client. Peut-être mangeait-il les autres…? L’anglais tentait de tout faire pour ne pas juger d’après les apparences mais il fallait dire que l’individu en question ne laissait que peu d’opportunités. Passer la nuit dehors aurait presque fait envie si le blond n’avait pas été aussi frileux. C’était là l’occasion de s’affirmer et de ne pas céder trop facilement à sa paranoïa.

Chealsey ignora l’individu au possible pour rentrer dans le bar où il serait potentiellement en sécurité de cet individu suspect aux côtés du tenant. Arrivé au comptoir, le jeune homme tenta de se détendre en contemplant les prix de la nuit. Il ne fût pas si surpris que cela de voir qu’ils n’étaient pas bien élevés. Cet endroit était comme un repère de band en plein centre ville sans vouloir contrarier le tenant. lorsque celui-ci demanda à l’anglais en quoi il pouvait l’aider, le blond répondit qu’il prendrait une chambre pour la nuit, le tenant indiqua la somme à régler d’avance. Chealsey réunit la monnaie nécessaire tout en conservant ses gants puis le gerant commença à partir. Lorsque le jeune homme voulu le retenir, il expliqua qu’il devait d’abord préparer la chambre. Il fît malgré tout demi-tour jusqu’à l’arrière de son comptoir.



Le luthier hésita comme si la possibilité de refuser était entre ses mains. Bien évidemment, c’était là une question réthorique. Il fallait qu’il boive quelque chose, tout simplement car il était dans un bar. Malgré le fait que le goût ne lui soit pas déplaisant, le jeune homme était bien loin d’être un courant consommateur de ce que l’on appelait l’alcool. Sa dernière coupe devait dater de cinq mois. Oui, c’était bel et bien la fois où il s’était travestit dans un bal. C’était alors du champagne, chose qu’il ne pouvait pas se permettre dans sa situation. Sous le regard insistant du barman, l’anglais expliqua avec hésitation.


Le cocktail a la couleur… interessante achevée, le barman laissa l’étranger au comptoir. Celui-ci se retourna essayant de visualiser où il pourrait s’asseoir. Après un bref regard, il obtint sa réponse. Approximativement n’importe quel endroit qui serait le plus éloigné possible de l’individu suspect. Le jeune homme se plaça dans un coin de la salle intérieure, jouant de ses doigts sur le verre qu’il hésitait à boire en vue du lieu. Bien évidemment, il ne se plaçait pas dos à l’individu. Néanmoins, il faisait de son mieux pour ne pas croiser son regard si malheur arrivait. Il n’était pas fait pour ce genre de milieux… Il n’en avait jamais fait partie et n’en ferait probablement jamais partie. Tout ce qu’il pouvait remarquer, était le caractère étrange de personnes pouvant côtoyer fréquemment ce genre d’endroit, les doutes massif sur l’hygiène entretenue et si à sa place il n’y aurait pas eu une émeute ayant provoqué au moins un mort. Autant de critères augmentant son angoisse. Il était nostalgique après seulement deux heures loin de chez lui. Pire que cela, il avait l’impression de connaître l’enfer. Il n’était plus question de se révéler en tant qu’être capable de se défendre, persistait juste la volonté de se faire oublier pour survivre en terre inconnue. Désormais il le savait, ses initiatives individuelles étaient maudites. Il avait posé le livre à sa droite, face cachée.

Il n’y avait rien de bon au fait de juger au premier regard. C’était une chose que le jeune homme savait bien et pourtant qu’il pratiquait sans modération. Il n’y pouvait pas grand chose en soit. C’était d’avantage devenu pour lui un réflexe sensé le mettre en garde contre tout ce qui pouvait s’avérer potentiellement dangereux. Le raisonnement était assez simple. Quand quelque chose avait l’air risqué, ça l’était sans aucun doute et il n’y avait pas à se poser de question. Après, quand quelque chose semblait inoffensif, il ne fallait pas en rester là car il y avait nécessairement anguille sous roche. Ainsi, il n’y avait plus vraiment de surprise à avoir étant donné que tout était prévu dans les moindres détails. Enfin en règle générale car cette manie bien que sécurisante vis-à-vis de l’avenir avait bien évidemment ses défauts allant de paire. En agissant de la sorte, il plaçait tous les individus dans le même panier. Lot comprenant ceux qu’il jugeait à tort mais ça ne le dérangeait pas. Il n’avait pas besoin de faire confiance ni même la nécessité de donner du crédit aux autres. En définitive, le rêve de tout paranoïaque. Certes, on ne pouvait pas dire qu’il avait des amis néanmoins, c’était un prix qu’il s’estimait presque prêt à payer même s’il ne le voyait pas toujours.

Dans le décor, il n’était pas incongru de dire que Chalsey faisait tâche. Précisément car était le cas. Il n’avait pas le profil du jeune venant boire dans ce genre d’endroits ni même trainant dans les rues passé le crépuscule. Il faisait trop propre sur lui et trop respectueux des bons règlements. Il s’en rendait compte et cela ne plus plaisait pas grandement. Heureusement ou tristement pour lui selon les points de vue, il n’y avait pas tant de monde pour venir le remettre à sa place de petit bourg des bons quartiers. Pour autant, c’était aussi là une raison de plus pour se faire remarquer quand on partait du principe tout à fait logique que lorsqu’il n’y a en tout et pour tout dans un endroit quel qu’il soit, passant de la cellule, au salon, jusqu’au bar, les personnages avaient tendance à se regarder dans le blanc des yeux. Bien sur, on pouvait enlever le barman ce qui laissait assez peu de choix quand à un possible sujet de conversation. Lorsque le blond vit son camarade de champ de vision se lever, il commença par baisser les yeux sur son verre. Il avait tant espéré que celui-ci ne quitte pas sa place et se contente du large territoire qui lui aurait été laissé et pourtant. Le jeune homme tenta de s’ensevelir sous des images apaisantes d’instruments à restaurer ou même de chatons tant il n’avait rien à faire des images plutôt que de leur effet.

Tout de même, le luthier finit par jeter tout de même un coup d’oeil en direction de son « complice ». Il tenait tout de même à voir dans quelle mesure son geste pouvait être motivé. Lorsqu’il vit le verre vide dans la main de l’individu, il put être soulagé pour un instant. S’il rendait son verre ou en demandait un autre, ce n’était pas plus mal et cela ne concernait en rien le jeune homme. Néanmoins, ce qui devait arriver dû arriver. Ce n’était pas par mégarde que Chealsey finissait par regarder les autres dans les yeux. C’était une habitude et aussi une preuve de bonne manières. De regarder un individu de la sorte. Là, le problème était que le blond n’était pas la seule personne à user de ce stratagème et que pour le coups, le jeune homme ne parvint pas même à décrocher. Il ne lâcha effectivement pas le regard de la rencontre. Il ne se voulait certainement par défiant mais il avait plus bloqué sous le coups de la panique qu’autre chose. Il fallut attendre que l’autre personnage arrête de le regarder pour qu’il puisse enfin détourner le regard. L’anglais n’aimait pas ça. Il avait déjà jugé l’autre parti à son entrée dans les lieux et n’en avait rien tiré de bon mais voilà qu’il avait l’impression d’avoir donné une invitation à celui-ci pour venir le voir. Soyons claire, ce n’était pas la cas, il était très bien seul et préférait le rester pour l’heure. Il était tenté de retourner voir le tenant pour pouvoir fuir dans sa chambre mais préférait attendre que l’inconnu s’en soit éloigné. Après tout, s’il se précipitait, il attirerait l’attention sur lui, chose qu’il pensait avoir largement déjà surfait.

Etant donné le manque de personnage dans la pièce, le luthier ne put qu’écouter ce que l’étranger et le barman avaient à se dire et c’était plutôt sec. Il ne regardait pas dans la direction, tachant de se faire oublier. Il fût tout de même surpris de la requête plutôt brutale formulée à l’encontre du tenant. Un verre d’eau ? Le blond se demanda si l’autre parti tentait de le narguer en faisant comprendre que contrairement à lui, il était capable d’obtenir ce qu’il désirait de la part des autres. Chealsey ne cherchant presque jamais à obtenir quoi que ce soit, il ne pouvait certainement pas s’opposer au fait que cette personne ait d’avantage la main que lui malgré le fait qu’il rageait bel et bien en son fort intérieur. Puis, malgré le fait qu’il ne le regardait pas directement, le blond perçu du coin de l’oeil le mouvement de l’inconnu dans sa direction. Il tenta de se convaincre de la pure coïncidence mais peu de temps après, le doute ne lui étant pas permis, il opta pour la verre renversé sur la tête ou encore la volonté de narguer allant peut-être un peu trop loin. Pourtant, l’anglais afficha une mine surprise lorsqu’il vit le verre être posé à côté de lui. Pendant un instant, il en avait même oublié le cocktail posé entre ses doigts entrelacés. Il redressa la tête et regarda son interlocuteur dans les yeux, l’air sceptique. Puis aux mots de celui-ci, il se ressaisit. Ce n’était pas une déclaration de guerre mais un acte tout à fait courtois. Imaginant constamment le pire, ce n’était pas vraiment quelque chose qu’il avait prévu. Après peu de temps, il répondit un sourire gêné aux lèvres.


Le brun s’était assis à ses côté rendant tout échappatoire assez improbable. Oui, en effet, lorsque dans une salle vide deux personnes étaient assises côte à côte, l’affrontement était plutôt inévitable. Chealsey décroisa ses doigts auparavant placés autour du verre alcoolisé pour le rendre accessible. La proposition était plutôt anodine mais pas bien méchante en soit. Pour autant, le jeune homme ne se précipitait pas sur le verre d’eau. Car c’aurait paru ridicule mais aussi car il ne l’avait pas toujours eu dans son champ de vision. Il faisait potentiellement confiance au tentant pour la qualité de ses boissons mais étant passée entre les mains d’un inconnu, il était impossible de dire pour le blond si quoi que ce soit avait été mis dedans. A la couleur de l’eau, rien ne paraissait mais malheureusement ce n’était pas aussi simple. Plutôt que d’hésiter plus longtemps, le jeune homme prit le verre d’eau en remplacement entre ses doigts. Il ne buvait pas pour l’instant. Il sentait qu’il devait trouver quelque chose à dire. Dans le cas contraire, la situation serait devenue très gênante. Il ne réfléchit pas bien longtemps malheureusement pour lui sous le coups de la pression ?


Il fallait essayer de le comprendre. Il était dans un bar, cas déjà hors du commun. Ensuite, il discutait dans ce bar avec un inconnu. Oui, c’était bel et bien la seule chose stupide qui lui venait à l’esprit. Et il commençait tout juste à remarquer à quel point sa question était étrange car c’était bien là la phrase de drague la plus clichée encore utilisée de nos jours. Imaginez la gêne pour le luthier n’ayant jamais dit ce genre de chose et ce même à une femme. Il n’aurait pas été très loin de rougir de honte mais il avait plutôt envie d’en pleurer même s’il faisait pour l’instant preuve d’un peu de retenue.

Lentement mais surement, Chealsey reprenait ses esprits. Il était bien dans sa nature de dramatiser une situation mais en toute personne correcte, il parvenait à marcher droit dès qu’un mal entendu était éclairci. Il ne connaissait pas les intentions de la personnes venue s’adresser à lui tout comme il n’était pas certain de la façon dont il devait réagir. Néanmoins, on ne pouvait pas dire que le blond était totalement impuissant. Certes, quand il s’agissait d’un problème d’importance, d’une histoire de confiance ou de violence, il était affreusement inutile. Mais parler, c’était là quelque chose qu’il savait faire. Le plus souvent pour ne rien dire d’ailleurs. Simplement histoire de paraître dire quelque chose. Le luthier marqua un temps d’arrêt. Aux mots de son interlocuteur, il souffla doucement de son nez jusqu’à avoir complètement vidé ses poumons. Alors seulement, il reprenait une respiration normale, maintenant capable de lever les yeux de son verre. Cette personne devant ses yeux n’était pas tant différente du monsieur tout le monde que l’on pouvait rencontrer et ce qu’importe les préjugés que pouvait tirer Chealsey à son sujet. En conséquence de quoi, il allait faire ce qu’il faisait le mieux, traiter tous de la même manière. Il regardait dans les yeux, lui rendant son sourire avant de rire un peu l’air gêné. 


Le plus surprenant dans la manière qu’avait le blond de s’exprimer est qu’il ne mentait pas, il déformait les événements et son ressenti. L’avantage de cela était qu’en soit, il ne vivait pas une vie si extraordinaire que cela même si son mode de pensée était parfois un peu… bruyant si l’on pouvait dire. Peut-être qu’extrême conviendrait mieux. En soit cela signifiait que tout ce qu’il racontait était vérifiable, authentique et mesurable et que ses arrières étaient bien assurés sans qu’il n’ait besoin d’aller trop loin. Ce qu’il lui suffisait de faire à partir de là, ne pas trop en dire pour couvrir ce qu’il ne souhaitait pas partager ou encore en dernier recours, jouer de sentiment pour exprimer sa volonté de ne pas en parler. Cela lui était déjà arrivé quand on lui avait demandé d’aborder le sujet de sa mère. En soit, le mensonge était vraiment la dernière hypothèse possible mais dans ce cas, le jeune homme ne se risquerait jamais dans des actions mais toujours dans des idées personnelles invérifiable et que nul n’aurait raison de connaître.

Le blond suivait du regard le brun alors que celui-ci buvait au verre qu’il lui avait proposé. Un peu calmé, il réalisait la stupidité de son acte mais déjà, il savait qu’il pouvait faire passer cela pour une touche d’humour au besoin. De toute évidence, la personne ne se méfiait pas réellement du luthier et ce certainement de façon justifiée. On ne buvait pas un verre offert par n’importe qui et Chealsey alors et seulement alors que son interlocuteur le remerciait après avoir bu au verre, le blond faisait de même. Il portait l’eau à ses lèvres buvant quelques fines gorgées. Il n’avait pas particulièrement soif mais il y avait cette idée de consommer même si l’on ne pouvait pas dire qu’un verre d’eau soit vraiment une consommation. Le goût n’était pas vraiment surprenant, comme on en aurait pu attendre d’un verre d’eau. Il le reposait, se retrouvant nez-à-nez avec la main du brun. Sa question n’était pas un problème, il pouvait y répondre sans crainte mais serrer une main était toujours un problème. Se mordant l’intérieur de la joue, il prenait sur lui. Ayant des gants, ce serait moins important mais toujours, c’était horriblement déplaisant. L’anglais serrait la main qu’on lui donnait sans trop de force, offrant un sourire de commerçant alors que son autre main se crispait légèrement sur son verre.


Un peu tôt, il enleva sa main de la poignée, la récupérant comme venant se réfugier au creux de l’autre qui lâchait le verre. Un bar était rarement un endroit où l’on s’appelait par un nom de famille d’après ce qu’en savait le jeune homme malgré son peu d’habitude dans ce genre de lieux. Il continuait de le regarder, se préparant à établir son jugement, déboutant tout sur ce personnage. Ayant déjà eu affaire à la justice, il en avait une assez mauvaise image. Cela n’apparaissait pas sur son visage à présent qu’il s’était correctement « vêtu » mais il trouvait déjà sa raison de se méfier de « monsieur Venere ». Il donnait l’impression alors de se passionner pour ce que l’homme venait de lui dire. Il était curieux, mais pas à ce point.


Il avait pris son élan et décollé. Chealsey était caché bien au chaud et le commerçant faisait tout le travail mais il n’était pas impossible de le lui arracher. Il suffisait pour cela de suffisamment le troubler certainement. Il avait changé de stratégie. Plutôt que de subir les potentielles questions de son interlocuteurs, il prenait la peine de diriger la conversation pour la mener dans un sens où il n’aurait rien à perdre.

S’il l’avait pu, Chealsey aurait préféré échapper à cette conversation. Il était quelqu’un avec qui les personnes prenaient généralement plaisir à discuter mais là… Ce n’était pas tout à fait le genre de situation qui aurait pu lui aller à merveille. Il était doué pour parler de la pluie, du beau temps et de ces autres facteurs inutiles et ennuyeux. Derrière, c’était tout simplement vide et son masque n’avait pas plus de personnalité qu’un mur de brique parfait à la couche de ciment prêt. Le jeune homme ne s’était pas tout à fait défait de son impression première et tout lui disait qu’au même titre voir plus durement que pour les autres, passer du temps avec ce Venere n’était pas une bonne chose. Oui, avec le temps le blond était devenu paranoïaque mais entre se méfier de tout et éviter les mauvaises surprise ou croquer la vie pour se faire poignarder dans le dos, le choix était vite fait.

A son habitude donc s’il devait être amené à étendre le dialogue avec cet homme, le luthier se mit à chercher le petites bêtes qui feraient qu’il aurait toutes ses raisons de ne pas l’apprécier à juste titre ou pas. Dans un premier temps, il ne répondait pas à sa question. Il faisait mine d’écouter, son sourire vague aux lèvres même si ce simple fait s’avérait être étrangement frustrant. Il n’avait pas envie de répondre ou tout simplement il avait trouvé quelque chose de plus important à dire, c’était bien égal au jeune homme qui espérait qu’à l’instant où il posait une question claire et précise, on lui fournisse une réponse de rigueur. Oui, il se fichait de la réponse ! Et alors ?! L’anglais portait à nouveau son verre à ses lèvres après ayant attendu quelques instants les potentiels effet secondaires d’un produit. Oui, il bloquait toujours sur cette histoire. Il fallait dire que d’après son passé, on pouvait comprendre son manque de confiance à ce sujet là.



Chealsey se posait plusieurs questions à présent. Il essayait de ne pas se focaliser sur son habitude pour omettre le détail insultant de « truc de musique » pour aller droit à l’essentiel. Déjà, il se demandait si lui faire cracher son métier était un moyen pour la personne de combler le fait que Venere lui ait déjà indiqué sa profession. Il voulait peut-être les mettre sur un pied d’égalité. Au quel cas, c’était quelque chose que le blond pouvait comprendre car face à un inconnu, il aurait fait la même chose dans le cas où il aurait méprisé instinctivement cette personne. Oui, un peu comme il l’avait fait avec Kyrielle. Le second problème non pas moindre concernait la forme. Chealsey venait de répondre à trois questions. Trois questions plates ne nécessitant qu’un oui ou un non et à chaque fois la réponse avait été la même, c’est à dire « oui », prononcé de trois façon différentes. En soit, ce n’était pas si grave car les questions se ressemblaient et pouvaient mutuellement être déduites mais le jeune homme s’avérait très méfiant vis-à-vis de cela car il avait l’impression que l’agent de justice lui cachait quelque chose et cela ne lui plaisait pas. Il pouvait bien avoir ses secrets mais venir le voir pour ensuite lui cacher des choses, ça c’était un problème car il s’en sentait affecté et visé. Le jeune homme lui rendit un sourire poli. Le pire devant être qu’après avoir mis sa question à l’écart, il se croyait en mesure de demander au jeune homme de quoi il s’agissait.


Oui, le blond était frustré, diablement frustré et comme à son habitude il ne le montrait pas. C’était en un sérieux affront qu’il considérait l’acte de Venere et avec la patiente d’un bon élève qu’il le laissait faire. Désormais, Chealsey hésitait à poser une question, certainement de crainte que l’homme ne l’écarte à nouveau ou qu’il trouve le moyen de ne pas y répondre pour laisser l’anglais sur le quais. Car oui, il en savait déjà bien plus que le blond et celui-ci s’en sentait à présent affecté. Le luthier faisait doucement rouler un pouce sur la main qui avait serrée celle du brun comme si elle était meurtrie. Ce n’était pas le cas. Simplement il n’aimait pas rester à rien faire et avait besoin de s’occuper à sa manière. Autrement dit, faire taper ses doigts sur la table serait revenu au même mais cela aurait été bien moins discret il préférait donc s’abstenir. Malgré les quelques écarts que pouvaient faire Venere, le jeune homme ne lâchait jamais son interlocuteur du regard. C’était simplement dans son éducation. Un acte de politesse bien anodin comme il en connaissait bien d’autres et à présent qu’il s’était ressaisi, il n’éprouvait aucune gêne. 


Il le regardait innocemment même si son regard ne transcrivait pas tout à fait la même chose. Il était bel et bien de manière implicite en train de remettre en cause ce que Venere avait déjà pu lui dire. Il en savait suffisamment peu à son sujet et à présent il se demandait. Pouvait-il en plus lui mentir ?

Chealsey n’était pas un bon joueur. Non dans le sens où il dénigrerait les règlements pour y porter atteinte secrètement. Ce n’était pas non plus une question de perdre ou de gagner. Simplement, il n’appréciait pas d’être tenu comme le chef d’occupation de quelqu’un d’autre. Effectivement, on aurait pu y voir là un certain paradoxe. Il avait besoin du regard des autres pour subsister, c’était un fait. Néanmoins, il pouvait bien choisir la façon dont il voulait être regardé et ce jeune homme souhaitait qu’on le voit comme le commerçant du bout de la rue à qui on dirait bonjour en le croisant sans prendre la peine de se renseigner sur son état de santé. Simplement, quelqu’un faisant partie du décor. La donne avait néanmoins légèrement changé depuis quelques temps suite à sa rencontre avec un dénommé Elysion. Il y avait désormais la famiglia et le blond se retrouvait avec un nouveau cadre à gérer. Ou d’avantage, il trouvait sa place dans un nouveau décor dans lequel il avait une plus forte appartenance. Aller jusqu’à dire qu’il était nécessaire aurait été excessif mais on voulait de lui et à cette occasion, c’était nécessairement quelque chose de nouveau et de bien pour le luthier.

La différence dans son train de vie n’était pas flagrante au point que des fois il en vienne à se demander si tout cela n’avait pas été une bonne blague, s’il ne se faisait pas simplement mener par le bout du nez comme le poisson crédule qu’il était. Il avait simplement envie d’y croire un instant pour se relâcher ne serait-ce qu’un peu et faire défaut à cette part de lui refusant de s’attacher à quoi que ce soit. Oui, il y voyait une sorte de seconde chance. Mais ce changement avait d’autres influences car même s’il ne s’en rendait pas nécessairement compte, le luthier était en train de changer. Tout simplement car il existait un espace où on ne lui demandait pas d’être parfait et de n’être que ce que les autres voulaient qu’ils soit. Un espace où qu’il mente ou qu’il dise la vérité, cela ne ferait aucune différence. Chealsey était quelqu’un de fier même s’il s’asseyait souvent dessus au bénéfice des autres dans sa vie quotidienne. Il faisait simplement passer son image avant pour ne pas détruire l’environnement dans lequel il vivait en totale clandestinité.

Amuser son interlocuteur, le contenter dans sa manière de parler, agir de façon prévisible. Toutes ces choses que l’anglais se refusait à faire pour un homme se fichant presque ouvertement de lui. Toutes ces choses qu’il aurait été prêt à subir en temps normal sans sourciller, jouant presque les abrutis n’ayant pas comprit la situation. Mais là, il n’avait pas envie tout simplement car il y avait cette liberté qu’il sentait monter en lui grâce à la famiflia le poussant à se battre d’avantage qu’il ne l’avait jamais fait contre ceux pré-disposés à lui marche dessus. Le sous-entendu du fameux « agent de justice » ne plut guère au jeune homme. Il mettait en doute ce qu’il avait dit. Peut-être à raison, peut-être à tord. Tout cela était vrai sans aucun doute et c’était tout ce qui aurait dû importer à l’homme qui lui faisait face. Suffisamment pour qu’il se lasse et s’en aille, laissant le blond à son verre d’eau, plongé dans le livre qu’il venait d’acheter. Pire, l’homme lui demandait à sa façon de dévoiler quelque chose qu’il n’aurait pas dit et dont il aurait dû parler implicitement. Cette personne savait quelque chose mais à quel point et pourquoi ? Il ne répondit pas à la question du brun, attendant de voir où ce personnage voulait en venir. Il adoptait une attitude quasi glaciale car il comprenait mieux pour quelles raison la façon de s’adresser à lui de ce Venere lui déplaisait tant. C’était la même raison qui faisait qu’il n’appréciait pas les représentants de la justice. Il agissait comme dans un interrogatoire. Hors, le dernier expérimenté par le luthier était loin de lui avoir laissé de très bon souvenirs. C’était il y avait longtemps mais le souvenir restait entre ces personnes lui crachant presque au visage et ces autres essayant la sympathie pour lui extorquer quelque chose qu’il n’avait pas fait.  

Le regard du luthier s’échappa un instant de celui de son interlocuteur quand il perçu un mouvement du côté du tenant. Il fermait, il allait les laisser seuls. Chealsey n’était pas né de la dernière pluie et savait que s’il fallait en venir aux mains, il serait particulièrement désavantagé. Néanmoins, le langage et l’attirail de conversation plutôt bien formulé du brun laissait à supposer qu’il n’allait pas lui sauter à la gorge. Ou du moins, qu’il ne le ferait pas pour le simple plaisir de le lyncher mais avec l’intention d’en tirer quelque chose. Si effectivement le blond avait quelque chose à céder alors il n’y avait aucun doute dans le fait qu’il se ferait désirer. L’analyse du brun achevée, le jeune homme se désintéressa complètement du tenant pour se focaliser à nouveau sur Venere. Son regard restait de verre mais il sentait bien ce danger qui semblait le guetter qui venait ni plus ni moins de l’homme assis en face de lui. Cependant malgré sa description, le luthier fut forcé de constater que cette personne restait vague dans ses propos. Elle ne déduisait presque rien, elle exposait simplement les faits et Chealsey en dégageait tout simplement que cet inconnu en savait bien moins qu’il n’allait le prétendre. L’anglais regarda à sa gauche le livre face caché et le prit, l’air neutre, prenant l’air de le feuilleter un instant puis il le posait devant son interlocuteur, face dévoilé, le poussant jusqu’à lui. 



Oui, il était venu chercher un livre à cet heure là et suite à son travail mais simplement car il travaillait presque tous les jours et qu’il ne savait pas quand cette diseuse de bonnes aventures quitterait la ville de Nordia. Son emploi du temps ? Il n’avait pas changé depuis l’événement. Il continuait sa vie comme il l’avait toujours fait, attendant des nouvelles de la famiglia mais en soit, cela n’avait rien de dérangeant. La raison en était simple. A l’heure actuelle il n’était inutile voir complètement sans intérêt. Si vraiment il avait un pouvoir il ne le connaissait pas et donc à quoi bon avoir recours à lui quand c’était la seule raison qui l’avait amenée dans cet endroit. Mais le blond pouvait tout aussi bien être un curieux se sentant concerné par les arcanes et faisant des recherches sur les mafias de façon plutôt distraite ne voulant pas que sa passion empiète sur son travail.


Autrement dit, si jamais il portait ses accusations, tant que possible, il nierait tout en bloc. Il avait dans sa voix un voile de cynisme et prononçant cette dernière phrase car ainsi était-il. Un cynique hypocrite terrifié par la mort mais encore plus par la vie. Comment le prétendu agent de justice allait-il répondre face à cela ?

Ne rien comprendre, ne pas trouver la solution à un problème que l’on aurait placé sous votre nez justement pour que vous y prêtiez attention. Se contenter de vague suggestions sans jamais en toucher le bout, chaque théorie renversée par le temps et ne laissant qu’un halo vague. Cette imprécision, se détail qu’il manquait ou même la pièce égarée du puzzle que l’on se refusait à vous donner pour le simple plaisir sadique de vous laisser la chercher. Chealsey était une personne n’ayant absolument aucune difficulté à mal juger les autres. Ou plutôt, à les juger en mal. Quand quelque chose l’agaçait chez une personne ou dans sa façon de lui parler, c’était nécessairement elle qui était en tort et jamais lui. Pourquoi ? Car il se plaçait comme un spectateur  capable d’un jugement ne serait-ce qu’un peu objectif. Bien sur, c’était là un placement arbitraire mais étant seul dans sa tête, qui y avait-il pour le lui reprocher ?

Il ne se voulait pas particulièrement hautain malgré tout. Par son approche, le blond voulait démontrer non seulement qu’il était capable d’autre chose que de sourire mais aussi que rester avec lui ne serait pas forcément la bonne chose à faire. Certainement à tort, le luthier avait une très mauvaise opinion de lui-même. Que cela vienne du vécu ou de son tempérament défaitiste, c’était tout simplement inévitable. Il lui semblait donc normal que toute personne exposée à ses risques et périls ne pouvait avoir qu’une envie, face à ce qu’il avait derrière son profil de petit commerçant, partir.

Et voilà, ils étaient repartis pour un tour de devinettes. Quel dommage que Chealsey ait le sentiment d’avoir mieux à faire avec son livre. Il se demandait vraiment ce que pouvait attendre cet homme de leur entrevue quand le blond n’en attendait rien. Il n’avait à rendre de comptes à personne et autant dire qu’en vue de son palmarès social quasi nul, il n’avait pas les moyens d’entretenir un dialogue autre que le simple et cordial de la vie de tous les jours qu’il accordait à ses clients. Il ne parlait pas tout simplement car il ne parlait pas et qu’il y avait à ses yeux une seule purge à son mécontentement ou à ses humeurs, son esprit déjà surchargé. En effet, l’anglais n’était pas le genre de personne à se confier à un parfait inconnu sous prétexte qu’une affaire l’affecterait plus qu’une autre.

Par ailleurs, cela valait d’autant plus lorsqu’il n’était pas le seul concerné par le sujet qui était aujourd’hui source de son intérêt. Chealsey était une personne raisonnée et bien plus fidèle que l’on ne pouvait s’y attendre. Le problème dans ce jeu là était aussi que la réponse que le jeune homme était venu chercher, il ne l’avait toujours pas. Il n’y avait donc aucune logique à lui demander ce qu’il avait trouvé. Pour cela faudrait-il encore qu’il admette chercher quelque chose en particulier et oui, le blond avait décidé de ne pas rendre la tâche simple à cet agent de justice. Le blond hésita un moment. Il ne savait pas vraiment quoi faire ni comment gérer la personne qui était venu se joindre à lui. Apparemment, il n’y avait plus qu’eux et à ses yeux de toute façon il n’y avait plus rien à attendre. Il n’était pas coopératif pour un dialogue de cette sorte et autant dire que son interlocuteur ne l’étais pas moins. Il fermait un instant les yeux marquant un nouveau temps de pause. Puis il les rouvrait. Cette fois, il ne regardait plus son interlocuteur dans les yeux. Tout simplement car il admettait le dialogue comme fini. 




Le jeune homme prenait son verre et prenait le livre sous son bras, allant jusqu’au comptoir, y déposant le verre. C’était certainement mieux ainsi se disait-il. De toute façon avec le blond il ne fallait pas s’attendre à plus lorsqu’on l’encourageait à quitter son habit du parfait petit artisan pour se montrer sous son vrai jour. Il n’était pas particulièrement fatigué mais il préférait ne pas rester là. Il sentait à vrai dire qu’il ne devait pas même s’il ne parvenait pas à se l’expliquer. Certainement encore son imagination parfois un peu trop florissante.

Chealsey fixait l’homme qui lui faisait face sans s’arrêter un instant. Il n’aimait pas ce personnage ou plus précisément il le mettait hors de lui. Lui qui avait toujours fait en sorte de ne mêler personne à ses fantasmes à ses dérives et à son être se retrouvait avec un protagoniste un peu trop critique à son goût. Oui, car il n’y avait que cela que le blond était capable de sentir venant de cet homme. Du mépris, un sentiment de supériorité et une volonté de s’introduire dans cet espace que le luthier avait réussi à se créer. Un lieu où il était à l’abris des médisances des autres. Un lieu qui à présent bouillonnait terriblement alors qu’il était défié. Son regard s’était quelque peu vidé. Il avait connu ces situations, il avait déjà ressentit cela et ce n’était il y avait pas si longtemps. Cette frustration et nécessité de prendre sur soit. Mais il n’en avait plus envie ou plus la force, aux choix. Le jour où il avait passé ce pacte, il s’était volontairement assis sur cette façon de faire. Il voulait remonter à la surface et il essayait désespérément d’apprendre à nager.

Il n’y avait pas un sourire pour perturber son visage. Bien qu’il n’appréciait pas les gens facilement, il lui était assez dur de les détester. Pour autant, il ne tirait rien de bon de cette personne. Etait-elle là pour se railler de lui ? Le percevoir, lui parler, le rabaisser et s’en sortir satisfait ? Chealsey ne comprenait même pas ce que son interlocuteur pouvait lui reprocher mais il savait qu’il avait au moins compris pour son coups de théâtre avec le livre. Il restait de marbre alors qu’il critiquait ouvertement ses pensées et ses espérances. Quel était le mal à chercher quand il n’y avait aucun moyen de trouver une solution. Cette personne ne connaissait pas même la pensée qui était derrière cette chasse au indice et elle le lui reprochait. Non, le blond n’avait aucun moyen de savoir ce qui était bien à faire. Non, il n’avait aucune idée de la manière dont il devait agir et il y avait encore moins une personne pour l’aider dans sa quête. Ou plutôt, il sentait qu’il ne pouvait compter que sur lui comme toujours malgré la présence nouvelle de la famiglia.


Si vraiment il n’aimait pas la façon dont il s’exprimait, ni ce qu’il pouvait lui dire, il pouvait simplement s’en aller, partir comme une personne ordinaire l’aurait fait depuis longtemps déjà, le laisser tranquille. Donc il était soit excessivement tolérant mais le cachait bien ou profondément borné dans sa manière de harceler les autres. Très étrangement, le jeune homme penchait d’avantage pour la seconde option. Car en effet, ne pas apprécier une personne étant en réalité une réaction en chaîne. On la détestait elle et progressivement tout ce qui pouvait lui être lié de près ou de loin. Bien que Venere, s’assit, Chalsey n’en fit rien, appuyant simplement son dos contre le comptoir, il refusait tout bonnement de s’asseoir. Préférant conserver entre lui et cet écart raisonnable. Il signifiait beaucoup de choses, le tempérament le milieu et le rapport de force. Le jeune homme ne se battait pas avec ses poings mais ce qu’il était capable d’endurer et c’était déjà à son avis une force.

Le blond regarda un instant sur sa gauche dans le vide, réfléchissant aux mots qui lui étaient partagés. Il pensait avoir pris cette décision de son propre chef mais il n’aurait pas été surpris que quelqu’un d’autre l’ait incité à le faire. Il y en avait à présent pour s’intéresser de nouveau à ce qu’il pouvait faire, la manière dont il pouvait agir. Et ce qui pouvait s’avérer le plus triste dans tout cela était que même si le luthier avait conscience de ce danger, il n’avait aucunement l’intention de faire quoi que ce soit pour l’éviter. Il aurait préféré qu’on lui dise directement ce qu’il avait à faire pour ne pas pouvoir se tromper, pour échapper à l’erreur mais ce n’était pas ce qu’on avait fait pour lui. Tout simplement certainement car à cette occasion, il n’y avait que lui pour parvenir à la tâche qu’il avait à accomplir. Oui, Elysion était certainement quelqu’un de dangereux mais encore une fois, son interlocuteur ne lui apprenait rien et cela le frustrait plus qu’autre chose. Pourtant, le jeune homme se ressaisit, redirigeant son regard vers Venere. Relançant le dialogue en prenant un ton plat.


Il ne s’était jamais senti à sa place nulle part et essayait de vaincre cela auprès de cette famiglia où finalement il se devait de trouver sa place. Il avait changé de stratégie avec cet homme. Tout simplement car de toute évidence, il n’allait pas le laisser tranquille avant un moment puis car dans un second temps il pouvait certainement en tirer quelque chose. C’est ce qu’il devait faire pour atteindre son objectif. Il devait en apprendre d’avantage sur lui-même, sur son ressentit, sur les autres et même si pour l’heure, Venere ne venait que gratter doucement la surface dans atteindre la précieuse cherchée, il s’en approchait peut-être un peu et l’anglais se devait de tenter sa chance.




Il ne parlait pas, ne communiquais pas, était un véritable mur laissant seulement filtrer dans un sens ce qu’il pouvait récolter du jeune homme. Situation qu’il ne pouvait que détester. C’était une façon de le rabaisser comme une autre. Dire qu’il n’était pas une personne apte à savoir.

De toute évidence, Chealsey n’avait pas eu la réaction la plus raisonnable en s’offrant sur un plateau de la sorte à ce Venere. Car oui, c’était bien de la sorte qu’il avait agit tant en lisant le passage de ce livre qu’en expliquant ses motivations et sa connaissance de son état. Il restait de savoir si l’individu qui lui faisait face avait compris de quoi il retournait, ce n’était pas moins certain, après tout, quand bien même le blond avait l’impression que tous deux parlaient d’un même sujet, comment savoir quand la façon d’aborder celui-ci était si vague que les deux hommes pouvaient parler de tout autre chose. Restait cette possibilité malgré tout, celle qu’ils se comprenaient, qu’ils se questionnaient mais aussi qu’ils se jaugeaient et de toute évidence, malgré son expérience dans le domaine, le luthier avait bien du mal à s’accorder une longueur d’avance.

Donc oui, en soit ce qu’il avait fait était particulièrement stupide… Elysion lui avait bien fait comprendre lors de son premier jour au manoir Momento que son caractère anonyme était un atout qu’il lui faudrait conserver. Malgré tout, sous le coups de sa frustration personnelle, il envoyait l’info au premier venu ? Autant dire que ce n’était pas du joli mais il ne se sentait tout simplement pas de faire autrement à cette occasion. Certainement la raison en était ce décalage qu’il avait encore avec le reste ou même cette impression que tout cela n’était qu’un rêve. Il savait bien ce qu’il en était, avait vu ce qu’il avait du voir mais le simple fait de ne pas réussir à exploiter ce don qu’il était supposé avoir était particulièrement dérangeant. Le jeune homme gardait son regard braqué sur cet individu nouvellement rencontré. Après tout, il était tout à fait légitime de sa part d’attendre des réponses quand de son côté il avait déjà trop donné. Cependant, il est un peu mitigé quand il repère la sueur sur son visage. Il était nerveux pour transpirer ? Le blond attend patiemment, suivant mécaniquement un instant le mouvement de la main sur la table avant de relever les yeux vers lui. Un mot ? N’importe quoi ? Non ? Il allait le laisser dans le silence le plus plat ?! Il ne pouvait pas faire quelque chose ?! Qu’il lui donne un signe ?!

L’anglais sursaute au contact de la lame sur le bois, orientant directement son regard vers la main sur la table, se figeant un instant comme paralysé devant ce qu’il venait de se produire devant lui. Il déglutit, regardant la main, espérant que c’était un tour de passe passe, que la lame n’était pas dans la main mais à côté, que ce n’était qu’un effet d’optique ! Pourtant, quand il voit le sang se répandre doucement, il comprend qu’il n’y avait pas de jeu, ni de tour de magie. A ce moment précis, nouveau blocage, éveillant une première question. Pourquoi ?! Il lui avait demandé des mots ! De simple mots ! Il pouvait donner son âge ou même dire à quelle cuisson il aimait les pâtes mais il était obligé de se planter la main devant lui ?! Ca n’avait aucun sens ! Il était nerveux ?! On ne réagissait pas à la nervosité comme ça ! On pouvait pourquoi pas prendre ses jambes à son cou mais s’embrocher la main était complètement excessif ! S’il voulait attirer son attention, c’était gagné car tous les sens de Chealsey étaient à présent en éveil face à ce geste qu’il ne comprenait pas. Si l’action c’était produite de nos jours, un simple « what’s the fuck » aurait suffit mais là… C’était tellement plus. Déjà, si vraiment il avait eu envie de planter quelque chose à cause de cet état, cette chose aurait du être le blond. Non, il ne voulait pas mourir immédiatement, il n’avait pas le sentiment d’être complètement près à cela. Néanmoins si vraiment ils n’étaient pas fait pour s’entendre et ne jouaient pas dans le même quand et qu’en prime le luthier venait de déclarer qu’il n’en changerait sous aucun prétexte. Donc qu’il ait planté l’anglais aurait été plus logique et plus compréhensible. Fallait-il prendre en prime en compte qu’il cachait donc un couteau sur lui ce qui en faisait de loin le type le moins rassurant du monde…? Oui, quelqu’un qui s’embrochait tout seul était plus effrayant que quelqu’un qui essayait de vous embrocher.

Le regard du jeune homme papillonna entre la main et la lame à l’instant où celles-ci furent séparer, s’attardant un instant sur la marque de la table. Le voyant se lever, il le regardait, le visage stable et concentré par ce masque détruit par cette simple action, rempli d’incompréhension. Quand il bandait sa main il restait toujours immobile, posant son livre très doucement puis le voyant partir, son blocage finissait par partir, le rendant de nouveau libre de ses mouvements. A ce moment là, il fronçait subitement les sourcils, se précipitant vers Venere pour l’attraper par le bras.


Après il faudrait recoudre, heureusement, Chealsey savait faire, tout comme il savait exactement ce qui pourrait permettre de désinfecter dans le coin, il devait y avoir un alcool suffisamment pur pour désinfecter la plaie et à vrai dire, pour l’instant, le blond se fichait bien de ce qu’avait pu dire ou faire Venere même s’il voulait volontiers savoir la raison pour laquelle il s’était planté tout seul. Il se met en tête de le tirer jusqu’au comptoir.

Chealsey n’avait subit que bien peu de blessures dans sa vie. Il avait l’âme de ces jeunes personnes qui n’étaient jamais confrontées au combat et qui n’avaient l’âme que de le fuir en temps voulu. Ses accrochages les plus douloureux ne s’étaient toujours achevés que d’une façon, le bond renonçant avant que la dispute ne puisse prendre des proportions ridicules, ces mêmes proportions qui auraient du lui donner plus de cicatrices. Autant dire que oui, Chealsey s’était déjà incliné plus d’une fois pour se voir épargné car bien souvent, c’était là ce qui marchait. Peu de personnes détestaient voir quelqu’un demander le pardon, surtout quand le quémandeur n’était pas celui en tord. Chealsey ne voyait pas tant cela comme de la lâcheté mais de la sécurité. Après tout, à quoi bon se battre quand deux épaules se seraient accidentellement entrechoquées. C’était ridicule et cela éloignait les vrais causes. Quand on aimait pas se battre, on faisait au mieux pour ne pas le faire, tout simplement. En ce sens, son expérience en était dramatiquement maigre et à l’instant où il sentit son bras saisit, plutôt que de se dégager, son premier réflexe fût de se figer pour venir poser son regard sur la main qui venait de le saisir.

Il était donc trop tard et très vite ses yeux se perdaient alors qu’un râle de douleur quittait ses lèvres pour résonner avant de s’étouffer en un gémissement plaintif. Il serrait immédiatement les paupières comme les dents, un de ses genoux venant bien vite toucher le sol, son autre main relâchant tout pour venir s’y poser à son tour, comme cherchant une échappatoire à ce qui était en train de démolir son bras. Il rouvrait progressivement les yeux, complètement paniqué comme si cet homme allait le lui arracher et que cette position n’était qu’une solution de dernier recours pour s’épargner plus de douleur. Il le regardait premièrement avec une certaine incompréhension mêlée à sa peur. Cet homme n’était pas le même que tout à l’heure et pourtant. Il ne prêtait même plus attention à sa main et n’osait plus dire ne serait-ce qu’un mot, tétanisée. Se retrouver face à la mort, il avait beau l’avoir envisagé, à présent, il se sentait tout simplement incapable de quitter cette terre ou du moins pas quand les choses étaient ainsi… Son souffle était saccadé, son regard comme son corps tremblant alors qu’il tentait de chasser la salive du fond de sa gorge pour répondre à son interlocuteur. Pourtant, ces questions n’étaient pas si simple et il fallut un petit temps au luthier pour qu’il soit capable de dire quelque chose. Il concentrait son regard sur le sol pour tenter de se donner le courage nécessaire.


Il avait bien là répondu à trois questions en y apportant que deux simples réponses. Qu’il était ? Les mots parlaient pour lui. Un anonyme devant se fondre dans la masse pour ne pas en être entièrement rejeté. Il fallait voir où il en était aujourd’hui, une âme complètement perdue qui n’en savait pas plus sur elle-même qu’elle n’en savait à l’époque. La seule chose qu’il pouvait faire, se soumettre encore alors que tout aurait du être différent ? Il serrait à nouveau les dents. Ce qu’il avait fait ? Il avait réparé des violons, il avait laissé sa mère mourir, il avait essayé de se faire une place. Parmi ceux-là, des crimes, il y en avait peu ou si implicite que malgré les efforts de la justice pour lui faire porter le chapeau. Voilà ce qu’il était aujourd’hui, une personne dont on avait acheté la mort pour qu’il s’en aille. Les questions de cet homme étaient étranges mais le cheminement que subissait le luthier l’était tout autant. Il ne savait pas ce qu’il voulait devenir, hormis ce qu’on voudrait bien qu’il devienne car se faire une place était aussi accepter ce que l’on pouvait exiger de lui. Progressivement, il fronçait les sourcils, se sentant humilié. Certes, ce Venere l’humiliait mais l’anglais le laissait faire ce qui rendait l’affront plus grand encore. Progressivement, il relevait les yeux vers son dès lors agresseur, son regard s’emplissant de mépris et de haine pour lui. Un premier masque était tombé et il était maintenant temps pour Chealsey, ce sentiment d’impuissance et d’abandon le prenant aux tripes. Il voulait se défendre, se faire une place même là où on ne voudrait pas de lui et à mesure que ces idées l’envahissaient, une sensation étrange le tiraillait comme si l’impact de la balle qui l’avait autrefois touché au centre de son tatouage lui demandait de nouveau son attention, comme si quelque chose était encore coincé sous sa peau…


Bien que le ton étais bas, ces mots sonnaient plus comme une menace. Il gagnait en confiance même non armé. S’il devait mourir, ce serait en préservant la fierté qu’il avait été obligé de mettre à plat toute sa vie.

Les mots de Chevalesy semblaient tout simplement inefficaces sur son agresseur. Sa demande ne trouvait pas de réponse. Lui répondait, pourquoi pas Venere ? Tout simplement car le blond n’était pas celui en position de force. Il était celui au genoux à terre, celui dont on semblait prêt à casser le bras et dans cette situation, il était seul. Personne n’allait venir, il ne s’agissait que d’eux. Une situation tellement pitoyable qu’à quelques instants, le blond était tenté de fermer les yeux comme si l’obscurité de ses paupières pouvait lui permettre de s’en sortir. Mais il n’en était rien. Il était pris au piège. Pris au piège par une personne qu’il avait immédiatement identifié comme « plus fort que lui ». Comment appelait-on ça, une forme de chaîne alimentaire ? Les plus forts détruisaient les plus faibles ? C’était trop simple et dans cet ordre, il n’y avait pas de place pour la justice quelle qu’elle soit. Ou même tout simplement pas de place pour les faibles ? Il n’avait jamais réussi à trouver sa place, peut-être était-ce pour cela ? Non, il l’avait cherché, assurément et maintenant il devait assumer ce qu’il avait fait. il avait voulu aider ? Ou tout simplement se mêler de ce qui ne le regardait pas ? Non, son erreur ou plutôt ce que cette personne lui reprochait était plus ancien mais pas tellement.

Le jeune homme ramenait sa mains sur sa bouche pour ne pas hurler de douleur quand Venere resserra son emprise. Un nouveau frisson de souffrance et de terreur secouait son corps alors que le luthier tentait de le repousser au plus profond de son corps. Son regard se fixait tandis que ses lèvres tremblaient encore un peu, légèrement entrouvertes à cette nouvelle question de son tortionnaire. C’était pour cela ? C’était donc bien ça. Ce qu’il lui faisait subir, il le faisait car Chealsey avait ce jour-ci accepté de se lier à cette carte ? Le soleil inversée. Pourquoi déjà avait-il accepté de se lier à elle. Le luthier ramenait doucement sa main libre contre son flanc droit, ses doigts passant sous sa chemise pour venir caresser le dit tatouage, cette parcelle de peau étant devenue étrangement chaude au toucher. Sa mâchoire se crispait tandis que son regard se posait à nouveau sur son tortionnaire. La raison pour laquelle il avait accepté, était encore à ses yeux la meilleure raison du monde. Il n’avait rien à faire de devenir quelqu’un, c’était le cadet de ses soucis. Ceux qui avaient cet objectif étaient ceux qui piétinaient les autres pour parvenir à leur fin et le luthier n’était pas d’entre eux. Son objectif était.


De vivre. Il murmurait à peine ces mots pour lui-même comme si la question n’était pas venue de son agresseur mais de lui-même, comme une mise en doute de sa motivation. Il détachait à nouveau son regard, prenant une grande inspiration comme pour se défaire de la douleur tandis qu’il levait la voix, comme sachant soudain ce qu’il devait faire, une affirmation de qu’il était et de ce qu’il voulait. Non pas pour les autres mais pour lui-même. Car même s’il suivait Elysion pour lui être utile, il le faisait pour la raison à la fois la plus égoïste et naturelle du monde.


Transperce moi de ta lumière. Il lui criait presque ces mots à la figure comme une réponse à sa fameuse question bien que ces mots ne faisaient aucun sens dans un tel contexte, ressemblant plus aux paroles d’un fanatique demandant à devenir un martyre qu’un torturé plaidant pour sa vie. A l’instant où le dernier de ces mots franchissait ses lèvres, la douleur dans son bras sembla presque s’envoler. Non pas car il se sentait bien mais car au contraire une autre douleur bien plus intense venait le tirailler au niveau de la dite marque comme si quelqu’un venait de lui tirer dessus à cet exact même endroit mais que la balle était restée sous sa peau. Une gigantesque balle, terriblement douloureuse qu’il devait à tous prix enlever. En oubliant complètement son bras, il se laissait tomber en arrière poussant un cri de douleur tandis que le pistolet émergeait de sous sa peau, celle-ci se refermant derrière son passage. La douleur était insupportable et le luthier se prenait à interrompre son geste qui lui semblait durer une éternité. La crosse paraissait au travers de sa chemise tandis qu’il aurait juré que sa chemise se tintait de son sang, pourtant celle-ci restait immaculée. Le jeune homme en oubliait presque complètement son interlocuteur.