Azzura se réveilla ce matin là d'une étrange humeur boudeuse et pas très énergique. C'était le genre de réveil où elle aurait préféré rester au lit. Mais, elle était de service et il était tout à fait hors de question qu'elle se fasse portée pâle pour un mauvais réveil. Rassemblant tout le courage qu'elle avait, elle s'assit et sortit du lit pour aller prendre une douche. Elle s'assit ensuite à sa coiffeuse pour tresser sa longue chevelure blonde quand son regard fut attiré par une enveloppe accrochée à son miroir. Elle était en provenance de Ravenna, sa ville d'origine, la ville de son père. Azzura l'avait reçu la veille mais n'avait pas le droit le la lire avant aujourd'hui. Elle décida de s'habiller avant de décacheter la lettre. Une fois qu'elle eut enfiler son uniforme de travail, Azza lut la lettre qui la fit sourire.

- Ils sont fous...

Ses frères lui avaient organisé une chasse au trésor dans les rues de Regalo. Elle ne savait pas comment ils s'y étaient pris puisqu'ils sont interdits de séjour sur l'île, mais ce cadeau lui fit très plaisir, et ensoleilla sa journée. La Papessa partit au travail l'esprit et le coeur léger, la lettre en poche. Sa matinée fut chargée, mais Azza fit le maximum pour pouvoir quitter son poste au plus tôt. Elle sauta même le déjeuner afin de pouvoir partir suivre les indications de la lettre.

Le clocher sonnait trois heures quand elle atteint la première boutique, elle y pénétra, se présenta et demanda s'il n'y avait pas un paquet pour elle. Cinq minutes plus tard, elle sortait avec dans les bras, deux robes rangées dans des boites et un chapeau. Elle n'avait pas pu ouvrir les paquets et cela rendait les choses tout à fait excitante. Qui de ses frères ou de sa mère avaient choisis les tenues ? Souriante et enjouée, Azza passa ensuite chez le cordonnier et le bijoutier avant d'arriver chez le luthier, les bras encombrés de sac et de paquets. Devant la devanture, la jeune fille fit un arrêt. Pour ses frères l'avaient-ils envoyé chez le luthier ? Elle n'avait pas joué d'un instrument depuis des années ! Et la seule personnes qui était au courant était...sa nourrice. Sa nourrice aussi était dans le coup ? C'est accompagnée d'un rire léger que la jeune fille entra dans la boutique.

- Bonjour. Excusez-moi de vous envahir ainsi. Je suis Azzura Amaro. Est-ce que vous avez un paquet pour moi ?

La Papessa se retrouva émerveillée par l'intérieur de la boutique. Il y avait des miroirs de partout. C'était impressionnant. Et cela lui coupa la parole un instant. Et puis toutes ces odeurs de bois... Cela lui rappelait vraiment sa nourrice. Maladroitement, elle laissa échapper un paquet, puis deux autres en voulant rattraper le premier et ce fut la cascade. Heureusement rien ne s'ouvrit, mais la jeune fille se retrouva fort embarrassée.

- Je... Je suis désolée... Navrée... vraiment...

Il y avait des jours comme ceux-ci. De ceux où tourne au ralenti, où le regard se fixe dans un horizon qui n’existe pas et on se retrouve tout simplement loin. Ce n’était pas des jours les plus ennuyeux ou encore des plus tristes mais certainement des plus longs. C’était dans cet état d’esprit que s’était levé Chealsey. Le fait était que ces humeurs n’avaient bien souvent aucune raison particulière. Comme si soudain un beau matin, il se laisser écraser par ce que l’on tentait d’intérioriser en oubliant. Ayant précisément envie de faire peu de choses, l’anglais s’était accoudé au comptoir de sa boutique dans le simple but d’observer. Incapable de travailler dans son arrière-boutique, regardait les personnes passer dans la rue s’était transformé en un passe-temps n’améliorant pas nécessairement l’état présent. Puis des questions surgissaient. Où allait cette personne, faisait-elle partie des quelques élus qui étaient parvenus à conserver une certaine joie de vivre où est-ce que celle-ci avait été détruite où le serait d’ici peu comme il en était souvent le cas et finalement à quoi pourraient ressembler des larmes sur le visage de cette personne. Cette personne qui s’était créé dans l’imagination de Chealsey était certainement fictive. C’était là un moyen de se rapprocher des autres sans vraiment en rendre compte dans la réalité. C’était le fondement des regards échangés qui pourraient un jour provoquer des larmes d’impuissance et de colère. Ce questionnement était bien plus prenant qu’on aurait pu le croire et à peine arrivait-il à un dénouement que la figure inconnue s’était déjà volatilisée. Bien que le blond eut la larme facile, ce n’était pas le genre de situation pour laquelle il aurait pu pleurer. La volonté n’avait rien à voir là-dedans. Le bouleversement intérieur était tel que serrer le point aurait été la meilleure solution. Lorsque le jeune homme baissa les yeux sur la feuille de comptes qu’il avait posé sur le comptoir et en vit les extrémités déchirées, il soupira.



Chealsey ferma le livre de comptes en partant dans son arrière-boutique du pas le plus décidé qu’il avait jusqu’alors eut de la journée. L’atelier passé, il ne lui fallut pas longtemps pour allumer le feu dans la petite cheminée. Alors qu’il mit de l’eau à bouillir, il commença à moudre les grains de café qu’il conservait dans une boite au fond de l’un de ses placards. Le mouvement restait énergique pour ne pas retomber dans  cet état de pseudo transe. S’il y avait une chose que le jeune homme savait particulièrement bien faire, c’était préparer du café. C’était avec le temps devenu pour ainsi dire pour lui ce qui se rapprocherait le plus d’un remède miracle à la baisse de tension. Il n’y avait pas à hésiter à ce sujet, c’était une activité qu’il effectuait particulièrement souvent. Derrière ses coups de marteaux sur le plan de travail,  Chealsey entendit le tintement de la cloche du magasin suivit de quelqu’un s’annonçant. Le jeune homme hésita un instant. Ce café, il en avait vraiment envie, non plus exactement, il en avait grandement besoin. L’outil à la main il le regarda quelques secondes et le laissa tomber quand il fût surprit par un nouveau bruit bien moins habituel que le tintement de la cloche. Ah ça, les murs étaient fins, après tout, mieux valait savoir à tous moments ce qu’il se produisait dans la boutique. L’anglais se précipita vers la boutique mais s’arrêta net devant la porte qui sortait de l’atelier pour aller dans le magasin. Il se concentra « Tu es social, d’une humeur excellente, toujours heureux de recevoir de la visite et fier de tes origines. » Il y avait rarement des mensonges mentaux aussi évidents mais il n’y avait à ce moment que cela pour placer un sourire de commerçant sur les lèvres de Chealsey. Lorsqu’il ouvrit la porte après ces trois secondes d’interruption, il était prêt bien que la situation ne fût pas tout à fait celle à laquelle il aurait pu s’attendre. Sa première agréable déduction fût de constater que mis à part la cargaison de sa cliente potentielle par terre, le magasin et son contenu était intactes. Celle-ci était en train de s’excuser comme si la faute était grave. Il était clair que si l’anglais avait su, il aurait probablement d’avantage hésité à laisser son café. Il ne risquait pas de mettre le feu à la cuisine avec son installation mais rallumer un feu était bien embêtant. Quoiqu’il en soit, tant que rien n’avait été cassé, le jeune homme n’en était pas particulièrement affecté et pour ainsi dire s’en fichait. Mais dans les faits, ce n’était pas vraiment quelque chose que l’on pouvait faire ressentir à une cliente potentielle aussi, il fit ce qu’il savait le mieux faire, user de ses bonnes manières et de son sourire. Il s’accroupit pour aider la jeune fille à ramasser ses boites.